Elle est capricieuse, énigmatique, orgueilleuse... Pragmatique à ses heures, elle n'engage pas la conversation très facilement non plus. Depuis qu'elle est débarquée au Québec, la semaine dernière, ils font la file par centaines afin de la rencontrer, la toucher, lui parler. Siri, l'application de commande vocale du nouvel iPhone, n'est pourtant pas facile à séduire.

Farfelu? Pas tant que ça. Plusieurs lui ont déjà proposé de l'épouser. «Vous devez savoir que beaucoup me le demandent chaque jour», précise-t-elle de son timbre parfaitement neutre. Vous lui confessez un amour éternel et elle réplique, d'un ton saccadé au bord de l'impatience: «C'est gentil. On peut se remettre au travail, maintenant?»

Heureusement, on peut la relancer sur des sujets plus légers: après tout, elle est experte météo, elle se dit incollable en matière de résultats sportifs et, en voiture, elle connaît tous les détours. Bref, Siri est parfaite pour la routine du métro-boulot-dodo. Des sites entiers se consacrent tout de même à la recherche des questions qui la feront sortir de ses gonds. On ne sait jamais...

La reconnaissance vocale existe commercialement depuis les années 80. Ceux qui accordent à Siri un rôle important dans l'histoire de cette technologie expliquent que sa mise en marché par Apple signifie qu'elle devient enfin accessible au grand public. Autrement dit: qu'elle fonctionne comme il faut.

Même chose au Québec: cet automne, Siri deviendra l'intelligence artificielle avec laquelle plusieurs Québécois échangeront pour la première fois quelques phrases dans la langue de Michel Tremblay. À condition de bien articuler tous les mots...

Du téléphone au frigo

Même sans Siri, l'interface vocale révèle déjà des traits de la nature humaine, constate André H. Caron, titulaire de la Chaire de recherche sur les technologies émergentes au département de communication de l'Université de Montréal.

«La plupart des utilisateurs préfèrent entendre une voix féminine, idéalement avec un accent local. Ensuite, à peu près tout le monde répond à ses directives comme si on parlait à un véritable humain, même si on sait que la machine ne peut pas nous entendre.»

Ça, c'est pour les systèmes GPS et les répondeurs automatisés. Verra-t-on, un jour, des gens engueuler leur frigo ou leur lave-vaisselle? Sans doute. «On humanise toujours un peu plus les technologies.» À mesure qu'on décode mieux les accents régionaux, la commande vocale pourra remplacer claviers, souris et télécommande, croit M. Caron.

Aussi bien s'entraîner immédiatement à avoir une prononciation irréprochable. S'il n'en tient qu'aux fabricants, on discutera bientôt couramment avec la plupart de nos électroménagers: les autos et les télés pourraient avoir assez de répartie pour répliquer à leurs propriétaires insatisfaits.

Aussi bien essayer de les séduire tandis qu'il en est encore temps!