Les téléphones intelligents, qui permettent de naviguer sur internet où que l'on se trouve, pourraient rapidement encombrer les réseaux de télécommunications, voire les faire imploser, s'inquiètent les professionnels réunis à partir de lundi au Congrès mondial du mobile de Barcelone.

L'explosion des ventes de ces téléphones multifonctions connectés à la Toile via les réseaux de téléphonie mobile de troisième génération (et bientôt de quatrième) est l'évènement qui a marqué le secteur en 2010.

Selon le cabinet Gartner, un téléphone sur cinq vendu dans le monde l'an dernier, soit 320 millions d'appareils, était un téléphone intelligent. Cette proportion devrait passer à un téléphone sur deux en France en 2011, selon les analystes du cabinet concurrent GfK.

Chaque téléphone intelligent génère jusqu'à 24 fois plus de trafic sur les réseaux qu'un téléphone ordinaire.

Ce type de téléphone, qualifié de «couteau suisse» par GfK, permet une large palette d'usages: téléphoner certes, mais aussi recevoir et envoyer des courriels, surfer sur des sites, jouer à des jeux, regarder des films, visionner des programmes de télévision en direct, écouter la radio ou de la musique.

Des usages qui utilisent bien plus de bande passante que la simple communication vocale.

«L'explosion du trafic de données et la pression sur les réseaux commence à se ressentir dans le fait que la qualité du service souffre déjà», a récemment estimé Torbjoern Sandberg, directeur général de la société de connectivité mobile Birdstep.

Deux exemples spectaculaires de paralysie du réseau ont marqué récemment les esprits: l'effondrement du réseau des opérateurs américain AT&T et britannique O2 en Grande-Bretagne fin décembre 2009, que ce dernier a lié à l'utilisation des téléphones intelligents.

Plus quotidiennement, la congestion se fait déjà sentir dans certaines grandes villes, aux heures de pointe, lorsque tout le monde consulte en même temps son téléphone dans les transports en commun.

Ce phénomène «continuera à être un grave problème», selon Merav Bahat, de Flash Networks, un équipementier spécialisé dans l'optimisation des réseaux.

«Cela ne rendra pas stupides ces téléphones intelligents, mais cela frustrera les utilisateurs qui veulent une qualité d'utilisation proche de celle de leur ligne fixe», relève-t-il.

La vidéo, très gourmande en bande passante, est désignée comme la grande responsable de l'augmentation du trafic de données: elle représentait à elle seule 37% du trafic dans le monde au deuxième semestre 2010, et pourrait atteindre les deux tiers du trafic internet en 2015, selon l'équipementier Cisco.

Les opérateurs téléphoniques se plaignent d'avoir à assumer seuls les investissements colossaux nécessaires pour accompagner cette tendance, chiffrés à 21 milliards d'euros dans les quatre ans à venir par les consultants d'A.T. Kearney, qui soulignent qu'il y a «clairement des problèmes structurels dans leur modèle économique».

Les opérateurs sont d'autant plus marris que ce ne soient pas eux qui retirent les principaux bénéfices de ces nouveaux usages, mais les fournisseurs de services internet, des géants comme Google ou Apple: si rien n'était fait, leurs revenus devraient dégringoler et les rendre déficitaires dès 2013, selon une récente étude de l'équipementier américain Tellabs.

Agitant ce chiffon rouge, les opérateurs réclament de plus en plus ouvertement aux fournisseurs de services gourmands en bande passante (les sites vidéo notamment, mais aussi Google) de cofinancer la modernisation des réseaux afin de garantir un service impeccable pour l'utilisateur final.

Par ailleurs, ils limitent depuis quelque temps déjà les débits autorisés sur les mobiles, et pourraient bientôt proposer des forfaits différenciés à débits supérieurs... à condition que le consommateur paie plus.