Plus besoin de porter la cravate pour pianoter sur le clavier d'un Blackberry: ce téléphone, autrefois prisé par les seuls hommes d'affaires, est désormais très populaire chez les adolescents, qui aiment son prix et son côté pratique.

Signe de ce changement de génération, Universal Mobile, qui cible les 15-20 ans, lance ces jours-ci sa première offre de forfaits bloqués avec Blackberry.

Il suit l'exemple de M6 Mobile, autre marque jeune, qui le vend depuis août dernier avec un certain succès: «le Blackberry y est numéro deux des ventes, avec 100 000 utilisateurs», témoigne Karine Dussert, directrice des offres mobiles chez Orange (France Télécom), qui chapeaute l'offre.

Pourtant, pendant longtemps le Blackberry, fabriqué par le canadien Research in Motion (Rim), était par excellence le téléphone des cadres et n'était d'ailleurs vendu qu'avec des forfaits pros.

Son look austère - téléphone noir, écran de taille moyenne et clavier azerty - annonçait la couleur. Son prix, aussi. «Les Blackberry allaient jusqu'à 400-600 euros et les abonnements étaient chers», se souvient Stéphane Dubreuil, du cabinet d'études Sia Conseil.

Son succès auprès des entreprises - et des hommes politiques, dont le président des Etats unis Barack Obama - est immédiat, grâce à sa technologie exclusive de «push-mail»: les mails sont envoyés automatiquement sur le mobile, comme des SMS.

Il s'attaque ensuite au grand public, en «commençant à proposer des téléphones moins chers», raconte Gilles Ribeaucourt, directeur marketing des terminaux chez Bouygues Telecom.

Survient alors «un phénomène imprévu: les jeunes se l'approprient, parce qu'ils sont fanas de SMS et voient dans le clavier des Blackberry la possibilité d'écrire encore plus vite», explique M. Dubreuil.

«Ce qui compte pour un jeune, c'est de rester en contact avec sa tribu, il écrit jusqu'à 900 ou 1000 SMS par mois: avec un clavier, ça aide, et en plus, si c'est dans son budget...», confirme Mme Dussert.

Avec un forfait, les premiers modèles sont à 9 euros. Les offres de SMS, mails et messagerie instantanée Blackberry messenger (BBM, très prisée des ados), mais sans accès au web, démarrent à un euro par mois.

Désormais, une vente sur deux se fait auprès des particuliers, selon les opérateurs français. «40 à 50% des Blackberry sont écoulés aujourd'hui auprès des moins de 30 ans», ajoute Hala Bavière, directrice marketing jeunes chez SFR, qui situe le début de l'engouement «à la rentrée 2009».

Même si l'iPhone d'Apple séduit aussi les jeunes, «avec un forfait bloqué il vaut entre 200 et 300 euros, contre moins de 50 euros pour un Blackberry», relève Philippe Schild, patron d'Universal Mobile, selon qui «le Blackberry est statutaire sans avoir le prix de l'iPhone».

Ce rajeunissement n'apporte pas que des bénéfices. «En baissant ses prix pour conquérir le grand public, Blackberry attaque sa rentabilité et cela inquiète la communauté financière», souligne M. Dubreuil, qui note aussi «l'explosion des coûts marketing».

«En termes d'innovation et de développement, les professionnels restent notre priorité», tient à rassurer Christophe Ducamp, responsable des relations opérateurs chez Rim France.

«Il y a des discussions sur la valeur ajoutée du service de Blackberry, car des systèmes du type Android, Apple ou Windows Phone s'en rapprochent de plus en plus», observe M. Ribeaucourt, estimant que «dans le futur, il faudra que Blackberry intègre la dimension divertissement».

Alors qu'il compte 41 millions d'utilisateurs dans le monde, sa spécificité pourrait être menacée: le mail est désormais sur presque tous les mobiles tandis qu'on a vu apparaître sur certains modèles de Samsung, Nokia ou LG... un clavier azerty.