Le patron du plus gros opérateur chinois de téléphonie mobile a semé la stupeur au Forum de Davos en révélant qu'il communiquait à la police de son pays des données permettant de localiser ses abonnés, à leur insu et sans aucune garantie judiciaire.

Le patron du plus gros opérateur chinois de téléphonie mobile a semé la stupeur au Forum de Davos en révélant qu'il communiquait à la police de son pays des données permettant de localiser ses abonnés, à leur insu et sans aucune garantie judiciaire.

Wang Jianzhou, PDG de China Mobile Communications Corporation, le plus gros opérateur mondial par le nombre d'abonnés, a ingénument confié lors d'un débat public au Forum économique mondial qu'il transmettait à la demande des autorités des données personnelles concernant ses clients.

Cette révélation «qui fait froid dans le dos», selon le député américain Ed Markey, a fait sensation dans l'assistance composée d'experts des télécoms, qui en ont immédiatement saisi les implications sur le plan des libertés individuelles.

«Nous savons qui vous êtes et aussi où vous êtes», a lancé M. Wang, expliquant quee son entreprise aimerait vendre de la publicité et des services spécifiques correspondant à la localisation de ses abonnés et à ce qu'ils sont en train de faire.

Interrogé sur les conséquences en matière de vie privée, M. Wang a répondu: «nous pouvons savoir où quelqu'un se trouve, mais nous ne transmettons jamais cette information... sauf si la police le demande».

Les déplacements des abonnés sont repérables lorsqu'ils se connectent aux différents relais. Dans la plupart des pays démocratiques, ces informations ne sont transmissibles aux autorités que sous des conditions très strictes.

M. Markey, qui préside la sous-commission de la Chambre des représentants pour les télécommunications, souligne qu'un ordre de la justice est nécessaire aux Etats-Unis pour que la police ait accès aux relevés d'appels.

«J'ai les sourcils qui montent jusqu'au plafond», a confié le député américain à l'AFP après avoir entendu les propos du patron chinois.

Les autorités chinoises obligent les fournisseurs d'accès à l'internet à dénoncer les auteurs de contenus «illégaux», y compris ceux qui relèvent de l'opposition politique. L'américain Yahoo a ainsi été au centre d'une polémique pour avoir dénoncé un «cyber-dissident» qui a été condamné en 2005 à 10 ans de prison.

Jonathan Zittrain, expert de la gouvernance de l'internet à Oxford, s'inquiète de voir comment une innovation technologique source de liberté pour l'utilisateur a pu être récupérée à des fins d'espionnage par des systèmes autoritaires.

Lorsqu'un Etat installe des caméras de surveillance, le citoyen n'a rien à dire. Avec le téléphone mobile, «on paie soi-même pour être surveillé», relève l'universitaire.

Le président de Google, Eric Schmidt, a salué à Davos le concept de publicité localisée, qui permettrait par exemple à une chaîne de restaurants rapides de signaler aux porteurs de téléphones qu'ils passent à proximité d'un point de vente.

M. Wang a indiqué que son groupe avait été en mesure l'an dernier d'estimer le nombre de spectateurs au Grand Prix de Formule un de Shanghai en comptabilisant ses abonnés concentrés sur place.

Ces données pourraient aussi être utilisées pour évaluer le nombre de personnes sur un axe routier donné et prévoir les embouteillages, a-t-il prédit.

La Chine comptait à fin septembre 523,3 millions d'abonnés au téléphone mobile, soit 13,5% de plus par rapport à la fin de 2006, selon des chiffres officiels. China Mobile Communications Corporation détient à elle seule plus de 300 millions de souscripteurs, un chiffre qui augmente chaque mois de six millions d'abonnés supplémentaires.