Pour bien des Canadiens, c'est comme un choc qui se répète chaque mois. La facture de téléphone cellulaire aboutit dans la boîte aux lettres et on sait qu'elle fera mal au portefeuille.

Pour bien des Canadiens, c'est comme un choc qui se répète chaque mois. La facture de téléphone cellulaire aboutit dans la boîte aux lettres et on sait qu'elle fera mal au portefeuille.

Ce sentiment de payer très cher n'est pas une illusion. L'abonné moyen débourse 33 % de plus au Canada qu'aux États-Unis pour un forfait équivalent, révèle une étude récente du SeaBoard Group. L'utilisateur «lourd», celui qui utilise beaucoup de minutes chaque mois, paie 56 % de plus.

Si le prix du sans-fil atteint des sommets au Canada, le taux de pénétration, lui, traîne sous la barre des 60 %.

En queue de peloton des pays industrialisés. Pour les analystes, l'équation est limpide: c'est parce qu'ils paient trop cher que les Canadiens tardent à adopter le cellulaire en masse.

Les choses pourraient bientôt changer. Au début de 2008, Industrie Canada mettra aux enchères de nouvelles licences de téléphonie sans-fil, des fréquences dans la gamme de 2 GHz. Ces licences permettront aux entreprises existantes d'élargir leur réseau, et pourraient amener de nouveaux fournisseurs à entrer dans le marché.

De nombreux détails techniques doivent être réglés avant le début des enchères. Mais une question cruciale soulève les passions et anime les débats: le gouvernement devrait-il réserver une partie des licences aux nouveaux entrants?

S'assurer que Bell, Telus et Rogers n'achètent pas toutes les fréquences disponibles avec leurs ressources titanesques? Plusieurs croient que oui.

«Si le gouvernement ne le fait pas, les compagnies existantes feront les plus hautes mises aux enchères, ce qui signifiera le maintien du régime actuel et des prix les plus élevés au monde», dit Iain Grant, analyste au SeaBoard Group.

Johanne Lemay, coprésidente de la firme d'analyse en télécoms Lemay Yates Associés, abonde dans le même sens.

«Les pays qui ont eu du succès à faire entrer de nouveaux acteurs dans le mobile, ils l'ont fait en réservant du spectre pour les nouveaux entrants, souligne l'analyste. En 2001, on a eu des enchères pour du spectre. Il n'y a pas eu de spectre réservé pour les nouveaux entrants et il n'y a pas eu de nouvel entrant. Comme on dit en anglais, the proof is in the pudding.»

Les trois géants canadiens des télécoms ont effectivement mis la main sur presque toutes les nouvelles licences vendues aux enchères en 2001. Sur le pactole de 1,48 milliard de dollars récoltés par le gouvernement, Bell a versé 720 millions, Rogers 394 millions et Telus 356 millions.

Deux autres entreprises ont réussi à acheter des licences pendant ces enchères, pour un total de 12 millions.

En 1995, Industrie Canada avait agi autrement. À l'époque, l'organisme fédéral avait réservé du spectre pour de nouveaux entrants. Deux entreprises, Microcell et Clearnet, avaient réussi à obtenir des licences pour mettre sur pied leurs réseaux.

Le ministère fédéral avait au même moment imposé une limite à la quantité de spectre que les sociétés existantes pouvaient amasser, rappelle Patrick Carrey, analyste des politiques de télécommunications à Industrie Canada.

«On a enlevé cette limite en 2004, parce qu'après neuf ans, on croyait que l'industrie était assez développée et qu'il y avait eu assez de temps pour permettre aux nouveaux entrants de s'établir, explique M. Carrey. Ce qui est arrivé par la suite, c'est que Rogers a acheté Microcell, Telus a acheté Clearnet.»

Industrie Canada mène présentement une consultation pour déterminer si elle réservera ou non une partie des licences pour les enchères de 2008, et si elle imposera de nouveau une limite au regroupement de fréquences.

Le ministre de l'Industrie Maxime Bernier prendra la décision finale l'automne prochain -à moins d'un changement de gouvernement d'ici là.