Confronté à une guerre pour recruter les talents les plus brillants de l'industrie du jeu vidéo, Ubisoft cherche à se montrer attractif, notamment par l'attribution d'actions aux salariés, enjeu majeur de l'assemblée générale de vendredi, où il retrouvera son grand actionnaire Vivendi.

L'éditeur français de jeux vidéo craint que le géant des médias, devenu son premier actionnaire (27%) après une arrivée surprise à son capital il y a deux ans, ne bloque l'utilisation de ces programmes en s'abstenant de voter ses résolutions, comme il l'a fait l'année dernière, même si Vivendi n'a toujours pas dévoilé ses intentions.

Si Ubisoft, porte-drapeau et leader français du secteur, va repérer les profils les plus prometteurs des développeurs ou créatifs avant leur sortie d'école il est aussi dans une compétition internationale face aux poids lourds étrangers Activision, Electronic Arts ou Take Two.

À Montréal, devenu un creuset du jeu vidéo mondial, il arrive ainsi que les recruteurs tractent à la sortie des studios pour tenter de débaucher des salariés.

«Il y a une compétition mondiale, les talents circulent au-delà des frontières et ça oblige les employeurs à se décarcasser pour les attirer», confirme Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du Jeu vidéo (SNJV).

Ainsi, en France «plus de 65% des salariés sont en CDI alors que la production de jeux est très cyclique».

«Les programmeurs sont très recherchés et l'industrie du jeu vidéo est aussi en concurrence pour les recruter avec les sociétés d'informatique, qui parfois ont des rythmes de travail moins intenses», explique-t-il à l'AFP.

Les «data scientists» très convoités

Outre les spécialistes du codage informatique, «tout le monde s'arrache les data scientists», ces spécialistes du traitement des données, ainsi que «les experts du marketing en ligne et les gestionnaires de communauté», renchérit Stéphane Natkin, directeur de l'École Nationale des Jeux et Media Interactifs (ENJMIN).

Pour les candidats, la principale motivation «c'est de participer à la création d'un jeu majeur», estime le responsable.

À Montréal plus gros studio d'Ubisoft, l'éditeur propose une clinique sur site, une salle de gym luxueuse, mais aussi une crèche pour chouchouter ses salariés.

Mais les incitations financières restent des arguments de poids pour permettre aux grands éditeurs de convaincre les candidats les plus recherchés.

Or, à l'assemblée générale 2016, Vivendi s'était abstenu de voter les résolutions proposées par la direction d'Ubisoft, empêchant la mise en place de plans d'actions gratuites et des options d'achat d'actions pour certains salariés.

Si Ubisoft a pu continuer à utiliser ses anciens plans, il fait face à présent à la nécessité de les renouveler.

Ubisoft va les soumettre à nouveau cette année, parmi d'autres résolutions extraordinaires, qui doivent être adoptées à plus des deux tiers des voix, et qui pourraient être mises en échec si Vivendi s'abstenait à nouveau.

En cas de blocage, des solutions alternatives existent, mais coûteraient plus cher à la société et donc à ses actionnaires, fait valoir le groupe.

Les géants de la Silicon Valley Google, Apple ou Airbnb attirent eux aussi les salariés avec un partage des bénéfices et des programmes incitatifs à long terme à base d'actions.

Et «si Ubisoft se fait amputer d'une de ces possibilités, on ne sera pas en position de force pour attirer les meilleurs, ce serait problématique», souligne Cédric Orvoine, vice-président d'Ubisoft Montréal chargé des ressources humaines et de la communication à l'AFP.

Le groupe de Vincent Bolloré dit vouloir être représenté au conseil d'administration d'Ubisoft et rechercher un dialogue avec la famille Guillemot, fondatrice du groupe. Mais les frères Guillemot, qui qualifient la montée au capital du groupe par Vivendi d'«hostile», sont opposés à tout rapprochement avec le géant des médias, et dénoncent l'attitude de Vivendi.

Yves Guillemot le PDG d'Ubisoft, a appelé Vivendi à «se comporter en actionnaire responsable», dans une interview aux Échos publiée début septembre.

«Ubisoft n'est pas un jouet, mais une équipe olympique. Quand les collaborateurs se dépassent pour faire les meilleurs jeux de l'industrie, ils doivent être associés aux performances à moyen et long terme de l'entreprise», relevait-il.