Une Pokemon-mania balaye la planète, tempête qui pourrait accélérer la stratégie encore timide de Nintendo sur les téléphones tout en élargissant son public, jugent les analystes.

Depuis sa sortie la semaine dernière dans trois pays (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande), le jeu pour smartphone Pokemon Go a déclenché un véritable phénomène de société.

Bien que Nintendo n'ait pas développé ce divertissement (c'est le studio Nantics associé à la société Pokemon Company affiliée au groupe japonais), Pokemon Go a provoqué une ruée sur les actions Nintendo à la Bourse de Tokyo. Mercredi à la clôture le titre avait gagné plus de 50% en une semaine.

Et pourtant, Pokemon Go n'est pas même encore disponible dans l'archipel, officiellement du moins, car des manipulations plus ou moins fastidieuses permettent de le télécharger sur une plateforme étrangère, tout comme c'est le cas depuis la France ou tout autre pays qui n'est pas encore servi.

«Le récent rebond de l'action Nintendo semble excessif s'il est fondé uniquement sur les espoirs de bénéfices tirés de Pokemon Go. Le jeu peut cependant avoir des implications pour les titres ultérieurs et pour l'industrie des jeux mobiles dans son ensemble», précise dans une note l'analyste Junko Yamamura de Nomura Securities.

Les gains directs sonnants et trébuchants pour Nintendo ne sont en effet pas si importants, car le groupe n'est pas directement impliqué.

«Les investisseurs espèrent cependant que Pokemon Go va ouvrir un nouveau chapitre dans la croissance future de Nintendo», explique Takashi Oba, courtier d'Okasan Securities à Tokyo.

En mars, le créateur de Super Mario et Donkey Kong basé à Kyoto (ouest) a lancé son premier jeu mobile «Miitomo», une sorte de réseau social ludique, dans le cadre d'un partenariat avec l'agrégateur de contenus pour smartphones DeNA.

Quatre autres applications sont prévues d'ici à mars 2017.

«Les marchés pensent que comme Pokemon Go est un grand succès, les jeux pour smartphones directement conçus par Nintendo seront également plébiscités», précise Eiji Maeda, analyste de SMBC Nikko Securities.

À petits pas 

Nintendo a changé au forceps sa stratégie 100% console peu avant le décès soudain de son patron Satoru Iwata en juillet dernier. Rétif aux jeux pour mobiles pendant des années, il a fini par se rendre à l'évidence et par déclarer lui-même «les temps ont changé», alors que les années de gloire de Nintendo, jusqu'aux environs de 2008, avec des hauts et des bas, semblent révolues.

Les ventes de Nintendo ont chuté pour ne plus représenter qu'un quart de celles enregistrées les meilleures années, lorsque le groupe caracolait en tête des palmarès des jeux et consoles avec sa Wii de salon et sa série DS de poche.

Période révolue depuis que des milliers et milliers d'applications ludiques pour smartphones, bien moins chères ou même gratuites, sont parvenues à capter l'attention tant d'aficionados du jeu que de joueurs occasionnels.

Toutefois, pas question pour Nintendo de proposer sur mobile des jeux identiques à ceux développés sur console, continue d'insister la maison plus que centenaire qui estime que les fonctionnalités des machines dédiées aux jeux restent supérieures à celles des smartphones, même si les simples amateurs ne font guère la différence.

Le succès actuel de Pokemon Go peut quant à lui s'expliquer par la convergence de plusieurs facteurs. Pikachu et la cohorte de personnages qui l'accompagnent sont nés il y a 20 ans. Ceux qui ont grandi avec ces «monstres de poches» les retrouvent avec nostalgie sur les smartphones. De plus, le procédé utilisé (la réalité augmentée et l'usage de l'espace réel) fait du jeu une sorte de réseau social entre deux mondes, provoquant des rencontres apparemment aussi amusantes qu'incongrues.