«Du pain et des jeux»: au XXIe siècle, les marques ont bien retenu la célèbre maxime des empereurs romains. Face à la montée en puissance des bloqueurs de publicité et des internautes devenus allergiques aux réclames, les entreprises misent sur les techniques du jeu vidéo («gamification») pour mieux séduire les consommateurs.

Dans ce domaine, Milka Biscuits est devenu un cas d'école. Si l'entreprise a profité de la renommée de sa marque de chocolat incarnée par une vache aux tâches violettes, elle n'occupe encore que la cinquième position sur le marché des biscuits en France, depuis son lancement en 2012.

«Nous avions besoin de gagner en visibilité auprès des moins de 35 ans et travailler davantage notre coeur de cible, les familles avec enfants», a expliqué à l'AFP, Julien Humbert, chef de marque de Milka Biscuits, qui a décidé de lancer en janvier dernier un jeu publicitaire («advergame») afin de grignoter des parts de marché.

Avec Milka Biscuits Saga, la marque offre la possibilité aux internautes de connecter smartphones ou tablettes entre elles pour faire des parties multijoueurs entre amis ou en famille. En proposant des jeux inspirés de succès mondiaux comme Tetris ou encore Casse-brique, l'application met en scène un moelleux au chocolat et autres biscuits avec à la clé des cadeaux ou des bons d'achat primant les meilleurs joueurs.

Le buzz a été immédiat. Avec 1,2 million de téléchargements, 20 millions de parties jouées, dont 6 millions à plusieurs joueurs, Milka Biscuits a amplement réussi son pari en terme d'image. Et la campagne s'est même concrétisée par une hausse de 17% de ses ventes, hors promotions.

«On sent que le succès de Milka Biscuits Saga a fait de la pédagogie sur le marché et que les annonceurs s'y intéressent de plus en plus», confirme à l'AFP Loïc Chauveau, directeur de l'agence BrandStation concepteur du jeu, qui révèle avoir gagné depuis «une dizaine de nouveaux clients dont 4 projets de création d'''advergame''».

Compagnies aériennes, constructeurs automobiles, opérateurs téléphoniques, distributeurs ou encore banques et assureurs du CAC40: les entreprises, convaincues des gains à tirer en terme de notoriété, misent de plus en plus sur les jeux vidéos marketing.

Pour une somme comprise entre 50 000 et 100 000 euros en moyenne - voire 200 000 pour les jeux les plus ambitieux-, le retour sur investissement est garanti, assurent les professionnels.

Risque de «game-over»

«Quand les annonceurs regardent leurs métriques d'attention, de nombre de visiteurs, ou de conversion, ils se rendent compte que les ''advergames'' sont très compétitifs par rapport aux leviers plus classiques», souligne à l'AFP, Michael Reisner, directeur marketing de l'agence La Fabrique à Jeux et à Buzz.

Longtemps chasse gardée des agences spécialisées, cette niche est désormais très convoitée par les géants de la pub comme Havas ou Publicis. Et pour cause, le marché de la «gamification» devrait passer de 421,3 millions de dollars en 2013 à 5,5 milliards de dollars en 2018, selon une étude de l'agence Markets&Markets, soit une croissance prévue de 67,1%.

Grâce aux jeux vidéos, les marques disposent d'une audience plus active, totalement immergée dans son univers et ses codes. «L'utilisateur est obligé d'être concentré s'il ne veut pas perdre, et forcément il va être beaucoup plus réceptif à tous les messages que lui donne l'annonceur», explique à l'AFP Clément Muletier, consultant spécialiste de la gamification.

Surtout, l'«advergame» permet à la marque de fidéliser sa base de clients existants en les récompensant par de nouveaux jeux exclusifs. Milka Biscuits a par exemple envoyé une notification au mois de mai pour informer ses utilisateurs d'une mise à jour de son application afin d'entretenir «sa relation privilégiée» avec eux.

Les marques peuvent également accumuler les données sur les utilisateurs pour mieux personnaliser leurs offres sur le long terme. «Si on remarque un joueur ayant fait plein de parties et de partages sur les réseaux sociaux, ce sera un profil que la marque devra cibler davantage», indique M. Reisner.

Mais créer un jeu pour un jeu ne suffit pas. Pour que cette stratégie devienne payante, les marques sont condamnées à développer des jeux innovants, prévient M. Chauveau, et avoir «l'audace de se jeter dans le vide» pour ne pas subir la concurrence des nombreux jeux non publicitaires, et risquer un «game-over».