Un jeu dont les personnages contrôlent le monde en piratant ses réseaux fait beaucoup parler de lui au salon E3 des jeux vidéo à Los Angeles, pour ses parallèles troublants avec l'affaire Snowden et le scandale qui éclabousse les services américains de renseignement.

En général, l'éventail des armes utilisées dans les jeux vidéo va du fusil à l'épée, en passant par les superpouvoirs, avec pour objectif de combattre un ennemi, surmonter des obstacles ou simplement accumuler des points.

Mais dans Watch Dogs, le personnage principal a la faculté de pirater tout ce qu'il veut: conversations téléphoniques, dossiers médicaux ou ordinateurs chargés de programmes les feux de circulation.

Un type de piratage qui n'est pas sans rappeler les récentes révélations de l'ex-consultant Edward Snowden sur le programme d'espionnage de l'internet par le renseignement américain.

Sous couvert du programme PRISM, l'Agence nationale de sécurité (NSA) a en effet récupéré les listes d'appels téléphoniques de millions d'Américains et a surveillé les activités sur internet de nombreux étrangers.

«Nous savions que nous travaillions sur un sujet d'actualité», déclare à l'AFP le développeur du jeu, le Canadien Dominic Guay, tout en se remémorant son arrivée à l'hôtel quelques jours avant l'ouverture de l'E3.

«J'ai mis CNN et la première phrase que j'ai entendue était "violation de la vie privée". J'ai changé de chaîne, et sur Fox ils parlaient de "surveillance". J'ai dit à notre directeur créatif: "Ce sont nos mots-clés"», dit-il.

Ubisoft, le groupe français derrière les titres à succès Assassin's Creed et Prince of Persia, avait présenté une première version de Watch Dogs en 2012, avant de la peaufiner pour son lancement à l'E3 en début de semaine.

Situé à Chicago, le jeu suit Aiden Pearce, qui utilise son téléphone portable pour entrer dans le système opérationnel de la ville, qui contrôle l'électricité, les comptes bancaires ou les réseaux de télécommunications.

M. Guay affirme que la technologie permet désormais de concevoir un monde assez proche de celui décrit par George Orwell dans son livre d'anticipation 1984, où Big Brother surveille et contrôle tout.

«Heureusement, la plupart d'entre nous vivent dans des démocraties qui n'ont pas choisi cette voie. Mais c'est effrayant de penser qu'un gouvernement aussi brutal et néfaste que celui décrit dans 1984 dispose théoriquement des armes pour reproduire ce système», dit-il.

Dans Watch Dogs, le héros est d'abord motivé par l'esprit de revanche, mais à mesure qu'il découvre davantage de faces cachées de la ville, en piratant ses habitants et ses systèmes informatiques, il devient un «vigile», selon M. Guay.

«La plupart des piratages que nous montrons dans le jeu sont basés sur des choses qui sont vraiment arrivées. Nous les avons juste mises dans les mains d'un seul homme», déclare-t-il.

Et d'ajouter: «De fait, cela se passe au moment même où je vous parle. Cela rend la ville plus efficace, n'est-ce pas? Mais cela crée aussi des faiblesses que nous montrons dans notre jeu».

«Nous n'essayons pas de faire la morale», dit-il. «Mais nous espérons que les joueurs, quand ils auront fini de jouer, commenceront à en parler, et qu'ils pourront se forger une opinion à ce sujet».

Watch Dogs sera commercialisé en novembre, et sera disponible sur les consoles de dernière génération Playstation 4 et Xbox One.

Jack Tretton, patron de Sony Computer Entertainment of America, estime pour sa part que le jeu «est un reflet du divertissement grand public et qu'il est culturellement pertinent».

«Je pense que ce jeu est basé sur ce que les gens voient autour d'eux et dans la culture moderne», déclare-t-il à l'AFP.