En vertu d'une entente conclue entre l'Office québécois de la langue française et l'industrie du jeu vidéo, c'est à partir d'aujourd'hui, 1er avril 2009, que les revendeurs de jeux vidéo doivent obligatoirement vendre des titres français si une version francophone existe quelque part dans le monde.

À défaut de se conformer à cette nouvelle politique, les détaillants de jeux vidéo peuvent écoper d'amendes atteignant jusqu'à 1400 $ par infraction, et 7000 $ en cas de récidive. Si un jeu n'existe toutefois qu'en anglais, les commerçants peuvent le vendre sans problème, à condition que son emballage soit francisé.

Selon Ronnie Rondeau, copropriétaire de la chaîne montréalaise Game Buzz, l'entrée en vigueur officielle de cette politique «risque de mener tôt ou tard à des mises à pied dans les commerces de jeux vidéo». «Si l'Office québécois de la langue française met trop l'accent sur cette politique, nous n'arriverons plus à vendre 300 ou 400 exemplaires de certains jeux; nous devrons nous contenter de vendre une quinzaine de copies.»

Comme beaucoup de personnes impliquées dans l'industrie, M. Rondeau évoque la sortie ratée de la dernière mouture du populaire jeu Rockband, d'Electronic Arts, pendant le temps des Fêtes. Bien qu'une version francophone avait été lancée en France en même temps que la version anglophone, Electronic Arts n'a pas jugé bon de produire une version adaptée à la réglementation québécoise et aux normes nord-américaines, incluant un emballage français et un disque compatible au format NTSC. Résultat : les commerces québécois ont dû attendre six semaines avant de pouvoir vendre Rockband en toute légalité.

«Quand la version francophone (respectant les normes québécoises) est finalement sortie, nous en avons vendu qu'une quinzaine de copies», assure M. Rondeau.

«Le problème, c'est que dans ce marché, quand un jeu sort, il faut l'avoir sur les tablettes le jour même, sinon on se fait engueuler par les clients. L'essentiel des ventes se fait au cours des premiers jours», dit-il.

Pas de quoi paniquer, dit l'OQLF

Selon l'Office québécois de la langue française et l'Association canadienne du logiciel de divertissement, le cri d'alarme lancé par la chaîne Game Buzz n'est pas justifié. «À l'heure actuelle, plus de 80% des jeux vidéo sont lancés en français et en anglais simultanément, alors que c'était le cas pour seulement 35% des jeux il y a deux ans», affirme le porte-parole de l'OQLF, Martin Bergeron. Beaucoup de jeux, notamment ceux produits par Ubisoft, contiennent même des versions en cinq langues - français, anglais, espagnol, italien et allemand - sur le même DVD. Et parmi les studios basés au Québec, la question ne se pose même pas: les éditeurs doivent obligatoirement produire des versions francophones de leurs jeux s'ils veulent bénéficier du crédit d'impôt de 37,5% consenti par le gouvernement.

«Selon un palmarès que nous avons fait, dans les cas où les versions francophones des jeux étaient d'abord lancées en Europe avant d'être disponibles ici, le délai était généralement inférieur à une semaine, ajoute M. Bergeron. L'écart était même parfois de seulement quelques jours, et dépendait des stratégies de lancement des entreprises.»

Selon Danielle Parr, porte-parole de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, le cas de Rockband est par ailleurs le seul qui ait posé problème pour les commerçants. «L'industrie du jeu s'est bien adaptée au cours des dernières années. Les nouvelles consoles, dont les disques sont d'une très grande capacité, ont en partie éliminé le problème de la langue. L'entrée en vigueur de l'entente (entre l'OQLF et l'industrie du jeu) ne change au bout du compte pas grand-chose. La plupart des Québécois ne verront pas la différence entre hier et aujourd'hui.»