L'essor d'internet va bouleverser l'ensemble de la chaîne du jeu vidéo, ouvrant la voie à un élargissement du marché et à un affaiblissement de la distribution en magasin.

Si le jeu vidéo est «mieux armé que la musique pour relever ce défi», pour autant «le "online" va redistribuer les cartes», souligne James Rebours, directeur général Europe de Sud du japonais Sega, lors du sommet annuel de l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe) qui s'achève jeudi à Montpellier.

«L'avenir du jeu est en ligne, que ce soit sur la production, les pratiques du jeu et la distribution», et de profondes mutations sont à attendre dans les prochaines années, affirme l'analyste de l'Idate Laurent Michaud.

Première nouveauté, les éditeurs vont se retrouver «en relation directe avec le joueur», explique M. Rebours.

Une nouvelle donne qui va se traduire par de plus en plus de services en ligne, tels que du contenu additionnel et la vente d'objets virtuels, ainsi que par le développement de titres «massivement multi-joueurs». Jusqu'ici réservés aux passionnés, comme «World of Warcraft», ces jeux font cohabiter des millions de joueurs, dans un univers virtuel accessible en permanence.

Le joueur sera par ailleurs impliqué de manière croissante dans le processus de création, à l'image de «Spore» (Electronic Arts) et «Little Big Planet» (Sony), sortis récemment.

Pour les petits acteurs, qui ont du mal à survivre face aux géants du secteur, l'ère du «tout numérique» qui s'annonce est perçue comme une réelle opportunité pour exprimer leur créativité.

Internet permet l'émergence de «multiples productions, à petit budget, touchant des publics différents», estime Alexis Arragon, responsable des nouveaux projets au sein du studio français Darkworks, loin des grosses productions «standardisées» coûtant plusieurs dizaines de millions d'euros.

Les jeux tout simples, destinés au grand public, s'épanouissent aussi grâce au web, où on peut les télécharger sur des portails spécifiques (Big Fish, Pogo...), alors qu'ils sont difficiles à commercialiser dans la distribution classique.

Face à cette «révolution numérique», les Fnac, Micromania, Carrefour et autres vont être «mis à mal logiquement, comme dans le secteur de la musique ou celui de la vidéo», relève M. Michaud.

«La dématérialisation, ajoute-t-il, c'est le sens de l'histoire, mais ce n'est pas pour tout de suite: on ne décrétera pas du jour au lendemain que les magasins ne servent plus à rien».

La concurrence la plus forte viendra probablement des fabricants de consoles, selon les spécialistes du secteur, qui mettent garde contre une éventuelle «main-mise» de Nintendo, Sony et Microsoft.

«Demain, seront-ils le seul canal de distribution des jeux?», s'interroge le responsable de Sega.

Les trois groupes, qui «ont su rendre naturelle la connexion de leur machine» à la Toile, selon M. Michaud, proposent déjà des jeux à télécharger, au même titre que les plateformes qui essaiment sur internet (Steam, Metaboli, Boonty...).

Et leur emprise pourrait s'étendre au-delà des jeux vidéo, selon M. Michaud: les consoles, dit-il, «peuvent joueur un rôle majeur dans le foyer numérique de demain», en fournissant toutes sortes de services (vidéo à la demande, musique, météo, actualité...).