L'industrie québécoise du jeu vidéo apparaît pour l'instant imperméable à la crise économique mondiale et devrait même connaître une croissance florissante l'an prochain.

Mieux, le Québec se classe maintenant au sixième rang mondial de la conception de jeu vidéo -troisième en tenant compte du nombre de développeurs par millier d'habitants-, affirme une étude dévoilée hier dans le cadre du Sommet international du jeu de Montréal.

«Les nouvelles sont bonnes, mais nous devrons travailler fort afin de les maintenir», a déclaré André d'Orsonnens, président du conseil d'Alliance numérique, qui a commandé cette vaste enquête à la firme Secor-Taktik.

L'industrie du jeu a connu une montée fulgurante ces dernières années, stimulée par les généreux crédits d'impôt du gouvernement provincial. Le Québec ne comptait que 500 concepteurs en 2000, comparativement à 4400 aujourd'hui. En incluant tous les champs d'activité, ce secteur emploie 6200 personnes, la plupart à Montréal.

Selon l'Alliance numérique, aucun des studios installés au Québec n'a fait de licenciement cet automne, malgré le ralentissement économique mondial. Et plusieurs d'entre eux, dont Ubisoft, A2 M et Electronic Arts (EA), ont encore l'intention d'embaucher au total des centaines de nouveaux employés en 2009, a constaté La Presse Affaires hier.

Cette croissance anticipée contraste avec les compressions récentes effectuées par certains géants. Le californien EA a notamment annoncé, il y a deux semaines, la suppression de 500 à 600 postes, ou 6% de ses effectifs, pour réduire ses dépenses.

Les 695 employés d'EA à Montréal ont été épargnés et seront rejoints par «plusieurs dizaines» de nouveaux collègues l'an prochain, a affirmé Alain Toscan, directeur général du studio. Une vigueur qui n'est pas seulement attribuable au crédit d'impôt pouvant atteindre 37,5% sur les salaires, ajoute-t-il.

«Le package complet, soit le talent, les universités, les salaires, qui sont déjà très compétitifs en Amérique du Nord même sans le 37,5%, ça permet d'éviter les grandes bascules quand l'économie va mal», a dit M. Tascan pendant un entretien.

Chez Ubisoft, figure de proue du jeu vidéo au Québec, le cap demeure aussi sur la croissance. Le groupe français a même relevé à la fin d'octobre ses prévisions pour l'exercice financier 2008-2009. Le chiffre d'affaires devrait ainsi atteindre 1,05 milliard d'euros (1,6 milliard CAN), 30 millions de plus que prévu au départ.

«On travaille sur notre plan de croissance annoncé il y a plus d'un an, a soutenu Cédric Orvoine, porte-parole d'Ubisoft au Québec. On est plus de 2000 au Québec, on vise toujours à être 3000 d'ici 2013. Rien ne nous fait déroger de ce cap-là.»

Deux études publiées la semaine dernière par la firme américaine NPD confirment que l'industrie du jeu vidéo se porte bien, pour l'instant du moins. Les ventes mondiales ont augmenté de 1% entre juillet et septembre, dynamisées par des gains de 15% en Angleterre et de 8% aux États-Unis.

L'achat de jeux vidéo est en outre l'une des dépenses qui risquent le moins d'être coupées par les consommateurs américains en ces temps de crise, a constaté NPD. Quelque 35% des répondants ont dit qu'ils pourraient cesser d'en acheter, la majorité (57%) préférant se priver de sorties au restaurant.

Le jeu vidéo offrirait une excellente «valeur entertainment-prix» dans la période d'incertitude actuelle, d'après Martin Walker, chef de la technologie chez A2 M, qui compte embaucher entre 50 et 100 nouveaux employés à Montréal l'an prochain.

«Tu peux aller souper au restaurant et dépenser 50$, mais quand tu achètes un jeu à 50$, tu en as pour des dizaines ou même des centaines d'heures de divertissement», a fait valoir M. Walker.

Jeux populaires

L'industrie québécoise du jeu vidéo serait protégée par le fait que plusieurs studios travaillent sur des franchises très payantes, comme Guitar Hero ou Army of Two, a avancé Pierre Proulx, directeur général d'Alliance numérique. Certaines boîtes de petite taille, qui produisent des jeux moins connus, pourraient toutefois se retrouver avec moins de contrats dans trois ou six mois, a-t-il ajouté.

Pour l'heure, en dépit d'un degré de confiance en apparence assez élevé, plusieurs anticipent une baisse des ventes de jeux vidéo pendant le temps des Fêtes, la période la plus cruciale de l'année. Janvier sera l'heure des bilans.

À plus long terme, les dépenses mondiales liées au jeu interactif devraient passer de 37 milliards l'an dernier à près de 50 milliards en 2011, selon les estimations de PricewaterhouseCoopers et de DFC Intelligence.

Par ailleurs, l'étude publiée hier par l'Alliance numérique nous apprend que le Québec, avec ses 4400 développeurs de jeux vidéo, se classe sixième derrière le Japon (20 000), la Californie (11 500), la Corée du Sud (9000), le Royaume-Uni (8300) et l'État de Washington (5000) en termes d'effectifs.

En tenant compte du nombre de concepteurs par 1000 habitants, le Québec, qui en dénombre 0,54, est seulement devancé par la Colombie-Britannique (0,83) et l'État de Washington (0,79).

La pénurie de main-d'oeuvre qualifiée constitue l'un des principaux défis auxquels fait face l'industrie québécoise. Quelque 500 postes sont aujourd'hui à combler, selon l'étude.

L'INDUSTRIE DU JEU VIDÉO AU QUÉBEC

6e Rang mondial

6200 Travailleurs

80% Pourcentage des emplois concentrés à Montréal

500 Postes à combler