L'entrée en vigueur du crédit d'impôt pour la création de jeux vidéo, dont le décret a enfin été publié samedi au Journal officiel, a été dans l'ensemble accueillie avec satisfaction par les acteurs du secteur, jusqu'ici obligés de s'expatrier pour résister à la concurrence.

Ce dispositif permet aux sociétés concernées de déduire de leurs impôts 20% des dépenses de production de certains jeux, dans la limite de 3 millions d'euros par exercice.

Il a fallu un travail de longue haleine pour voir se concrétiser cette promesse évoquée par Jean-Pierre Raffarin, alors qu'il était Premier ministre, puis mise en branle en 2005 par le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres.

La France a ensuite dû batailler dur pour convaincre la Commission européenne qui a fini par donner son aval en décembre 2007, à condition que le périmètre soit restreint aux seuls jeux à dimension culturelle.

«Au départ ce n'était pas gagné, les négociations avec Bruxelles étaient compliquées», raconte Emmanuel Forsans, directeur de l'Agence française pour le jeu vidéo (AFJV). Mais au final, «une très grande majorité des jeux développés en France vont rentrer dans les critères d'éligibilité», estime-t-il.

Dans le même sens, Xavier Poix, directeur des studios basés en France d'Ubisoft, juge que le mécanisme choisi «favorise l'esprit culturel européen».

Pour lui, le crédit d'impôt est un «vrai signe donné à l'industrie du jeu vidéo» qui a beaucoup souffert au début des années 2000, entre fermeture d'usines et réduction drastique d'effectifs.

Il «vient conforter le rôle de nos créateurs face à la concurrence nord américaine et asiatique», a estimé de son côté la ministre de la Culture Christine Albanel.

Aujourd'hui la filière emploie environ 9 000 salariés et peut se flatter de compter deux groupes, Vivendi et Ubisoft, parmi les premiers éditeurs mondiaux.

Toutefois l'image est trompeuse: «World of Warcraft», le célèbre jeu de rôle de Vivendi, est développé par un studio américain, Blizzard. Quant à Ubisoft, c'est à Montréal qu'il a choisi d'installer son plus gros studio, fort de 1 600 personnes, contre seulement 400 à 450 dans ses sites français, à Montreuil et à Montpellier.

De nombreux éditeurs sont ainsi partis à l'étranger, entraînant dans leur sillage une foule de talents, vers des pays proposant des politiques de soutien plus attractives, comme le Canada, les États-Unis ou même la Chine.

Le crédit d'impôt devrait donc permettre de freiner cet «exode dû à la différence de coût de production» et favoriser la «prise de risques» artistiques, assure M. Poix: «ce coup de pouce est un juste retour pour rééquilibrer» la situation.

Certains géants des jeux vidéo réfléchiraient même à «une implantation en France, soit à travers une collaboration avec des studios français, soit pour créer des entités de production», indique M. Forsans.

Pour certains toutefois, la mesure ne va pas assez loin. «Nous regrettons qu'elle se limite uniquement aux productions culturelles et que n'ait pas été mis en place le système canadien, plus dynamique», affirme Philippe Sauze, président du syndicat des éditeurs de logiciels (Sell) et à la tête d'Electronic Arts en France. Le Québec rembourse notamment une partie du salaire des employés du secteur.

Mais le gouvernement pourrait ne pas s'arrêter là: Eric Besson, secrétaire d'État à l'Economie numérique, a envisagé cette semaine d'étendre le champ des Sofica (Sicav particulières destinées à financer des projets cinématographiques) aux jeux vidéo.