Le studio surgit au détour d'une rue de Montreuil en banlieue de Paris. Ni nom ni affiche à l'entrée de l'immeuble. La porte au fond de la cour. Discrétion totale. Ubisoft ne veut pas être dérangée.

Le géant français du jeu vidéo prépare l'avenir. Dans ce studio studieux peuplé de jeunes garçons, l'ère des ados boutonneux sortis des sous-sols est révolue.Ces créateurs sont des professionnels matures, 30 ans en moyenne.

Scénaristes, animateurs, ingénieurs informaticiens, programmeurs, designers, musiciens et illustrateurs. Des comédiens parfois.

Dans ce studio de banlieue, ils préparent quatre nouveaux jeux vidéo. Les 18 autres lieux de création de Ubisoft dans le monde, dont celui de Québec, planchent aussi sur de nouveaux jeux.

Ubisoft, troisième au monde dans son industrie, a été la première à croire à la console Wii et ses affaires vont bien.

L'entreprise prévoit embaucher 1200 nouveaux créateurs d'ici cinq ans à Québec et à Montréal.

Mais rien n'est jamais acquis. L'avenir de l'entreprise pourrait être déjà rendu ailleurs, prévoit le pdg de Ubisoft, Yves Guillemot.

Devant le maire Régis Labeaume hier après-midi, M. Guillemot a décrit ce qui s'en vient dans l'industrie du jeu vidéo, les nouvelles machines à multiprocesseurs, l'intégration du jeu, du cinéma, de la télévision, d'Internet. La rencontre de toutes les plates-formes.

«L'avenir du cinéma passe nécessairement par le 3D», dit-il. Les films seront interactifs, il faudra qu'on apprenne à faire des effets spéciaux, à créer les mondes où vont évoluer les personnages.

«On aura besoin de faire grandir les personnes chez Ubisoft et il faudra 10 à 15 ans encore avant de former assez de monde de haut niveau», prévoit M. Guillemot. «C'est notre plus grosse problématique de croissance», dit-il.

«On va travailler avec les mairies qui croieront à cette industrie», annonce M. Guillemot. «C'est pour ça qu'on s'entend bien avec Québec. On est sur la même longueur d'onde», constate-t-il.

Québec innove

La ville de Québec tire déjà son épingle du jeu vidéo, mais a décidé d'accélérer la cadence. «On veut être en avance de notre temps», lance le maire Labeaume.

«Les équipements de cinéma changent et les lieux de production traditionnels du cinéma ne seront plus nécessairement les mêmes», explique-t-il.

Voilà pourquoi Québec s'intéresse tant au projet de création d'une «École nationale en divertissement interactif».

Cette école accueillera une première cohorte d'une trentaine d'étudiants à l'automne 2008 pour une formation de quatre mois.

Environ 130 créateurs seront ainsi formés au cours de la première année de l'école.

Toutes les ficelles ne sont pas encore attachées, mais la Ville de Québec, l'Université Laval et l'Université du Québec sont associées aux discussions. Il est déjà convenu que cette école s'installera sur le boulevard Charest à Québec, près de l'immeuble où logent Ubisoft (190 employés) et d'autres entreprises similaires.

Les formateurs viendront de l'industrie, de chez Ubisoft notamment, et aussi d'autres boîtes de jeux vidéo qui manquent de main-d'œuvre formée.

Le studio de Ubisoft à Québec a grandi plus vite et est devenu rentable plus vite que prévu, car l'entreprise avait trouvé du savoir-faire et de l'expérience. Sans main-d'œuvre suffisante, la croissance sera plus difficile.

Pour le maire Labeaume, développer l'industrie du jeu vidéo est «cohérent» avec son engagement électoral de faire de Québec le centre de la «relève culturelle». Le jeu vidéo met à contribution des artistes de beaucoup de disciplines.

«C'est une façon de rendre Québec plus attrayante pour les jeunes», dit-il.