À 93 ans dans sa chaise roulante, un pensionnaire de maison de retraite joue au tennis contre le mur de sa chambre, un doigt dans un gant sensoriel et un casque virtuel sur la tête.

À 93 ans dans sa chaise roulante, un pensionnaire de maison de retraite joue au tennis contre le mur de sa chambre, un doigt dans un gant sensoriel et un casque virtuel sur la tête.

Pour le professeur Mihai Nadin, chercheur à l'Université du Texas (sud), cette vision pourrait être en-deçà des futurs jeux électroniques à l'usage des personnes âgées.

Cet ingénieur, informaticien et philosophe de 68 ans, est à la tête d'un budget de 13 millions de dollars sur 8 à 10 ans, financé par l'Université de Dallas mais aussi par des fonds européens, pour imaginer les jeux des baby-boomers vieillissants.

«Il ne s'agit pas d'une opportunité marketing mais d'une responsabilité sociale», a affirmé ce chercheur lors d'une conférence sur les Jeux pour la Santé à Baltimore dans le Maryland. Pour lui, «jouer permet de rester en forme et mentalement actif et de communiquer avec les autres».

Son programme de recherche, savamment baptisé «Seneludens» (sénescence et jouer, en latin), vise à transcrire électroniquement ce qu'il nomme les facultés d'«anticipation» de l'être humain ou «l'interaction entre les capacités cognitives et motrices» qui typiquement déclinent avec l'âge.

Depuis deux ans, Seneludens collecte et modélise, dans un laboratoire comportemental muni de senseurs, toutes les caractéristiques de l'anticipation, du mouvement d'oeil au rythme respiratoire ou cardiaque sans compter la gestuelle du corps, les expressions du visage et la production de salive.

A terme, le professeur Nadin espère aboutir à la création de jeux aux sensations physiques, très individualisés voire quasiment sur mesure et totalement transparents pour l'utilisateur, peut-être sans écran, en tous cas, sans clavier ni souris.

Le professeur rêve ainsi de donner aux retraités des après-midis virtuelles de golf, des séances de natation ou des rêves de catcheur.

Mais les jeux pour les personnes âgées ne relèvent pas du rêve: déjà plusieurs concepteurs se sont engouffrés dans le créneau, avec succès.

L'exemple est montré au Japon où déjà 20% de la population a plus de 65 ans (un taux qui sera atteint en 2020 aux États-Unis), avec le phénoménal succès du jeu de connaissance «Brain Age».

Ce jeu de Nintendo, qui stimule l'intellect avec des calculs et des amusements du type Sudoku, s'est vendu à 4 millions d'exemplaires dans le monde, créé il y a seulement deux ans. Son successeur «Brain Age Academy» atteint 3 millions d'exemplaires au Japon et des dizaines d'avatars sont parus, a expliqué Toru Fujimoto, un étudiant en doctorat à Penn State University.

Des jeux de rééducation physique sont utilisés dans plus de 120 hôpitaux et maisons de retraite au Japon.

Aux États-Unis, plusieurs concepteurs s'attellent au défi de l'Alzheimer, les stimulants intellectuels ayant prouvé ralentir le développement de la maladie.

Noah Falstein, un des designers des jeux Indiana Jones, s'est reconverti dans ce secteur en s'associant à une entreprise française «Scientific Brain Training» qui exploite une soixantaine de jeux sur le site «Happy Neuron». Il adapte pour le marché américain les graphismes français parfois austères, comme des tiroirs en noir et blanc qu'on ouvre pour classer des mots par des grenouilles vertes qui coassent ou éructent quand elles attrapent le bon mot.

«C'est un marché immense, il y aura place pour tout le monde», promet-il.

Jeffrey Toth, jeune professeur de psychologie à l'Université de Caroline du Nord, se lance sur le marché avec la création d'«Art Dealer», un jeu où l'on apprend à être marchand d'art et à reconnaître les copies des originaux parce que «les baby-boomers ne sont pas intéressés par des jeux où il faut tuer tout le monde».