Le débat en France n'est pas tranché entre experts qui dénoncent le «potentiel addictogène» de ce nouveau loisir de masse, et ceux qui pointent ses vertus thérapeutiques.

Le débat en France n'est pas tranché entre experts qui dénoncent le «potentiel addictogène» de ce nouveau loisir de masse, et ceux qui pointent ses vertus thérapeutiques.

«Avatars» pour les adeptes, et «nolife» (accros qui n'ont plus de vie) pour les détracteurs, les guerriers des mondes virtuels en ligne ou sur console sont aujourd'hui 3,8 millions en moyenne en France à jouer quotidiennement, dont 44% sont âgés de 13 à 24 ans, selon une étude de Médiamétrie.

Les jeux de rôle en ligne «massivement multijoueurs» (mmoRPG) sont ceux qui posent problème, selon Philippe-Jean Parquet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.

Depuis son premier cas en 1997, cet addictologue a traité une cinquantaine de sujets souffrant d'addiction, qu'il divise en deux familles de patients: des 25-30 ans, connaissant de graves difficultés en milieu professionnel, ou des adolescents de 16-18 ans, en rupture familiale et difficultés scolaires.

Ces jeux-là, explique-il à l'AFP, induisent une utilisation exclusive, restrictive et répétitive: «Le joueur répète un processus psychique limité, 'je tue ou je ne tue pas', dans une activité unique».

La construction de ces jeux porte en elle les dangers de la répétition, donc de l'addiction, selon le Pr Marquet. Il préconise une «plus grande diversité des modalités» d'utilisation et surtout que ces jeux soient programmés «pour avoir une fin».

Ce clinicien dit avoir traité des cas extrêmes d'adultes qui «pour tenir la distance» dans des compétitions mmoRPG de 24 à 48 heures, ont sombré dans d'autres types d'addiction, l'extasy ou la cocaïne.

Les thématiques «souvent guerrières» de ces jeux posent aussi, selon ce psychiatre, des problèmes éthiques et culturels: «une thématique qui consiste à éliminer tous les adversaires à n'importe quel prix pour rester seul sur le terrain n'est pas une conception citoyenne et participante».

Défiant les lois du marché très lucratif du mmoRPG, il conteste l'universalité de ces épopées virtuelles, conçues par leurs créateurs pour une diffusion de masse, transfrontalière sur le net.

«La valeur d'honneur n'est pas la même en France et au Japon», dit-il, le jeux de rôle doit donc rester compatible avec l'espace culturel réel de son utilisateur.

Auteur d'un essai «Guérir par le virtuel» (Presses de la Renaissance), Michael Stora, psychologue et psychanalyste, affirme à l'inverse utiliser les jeux vidéos comme outil thérapeutique avec ses jeunes patients.

«A travers la narration symbolique et derrière les +avatars+ que propose le jeu, ils se racontent plus facilement au thérapeute», explique-t-il.

Beaucoup de jeunes trouvent aussi à travers l'allégeance à une «guilde» (communauté de joueur en ligne) et les rites de passage requis pour la rejoindre «le cadre rigide qu'ils ne trouvent plus chez eux face à des parents-potes ou absents».

«Le jeu propose les rituels, avec une montée en puissance possible, que la société n'offre plus, et n'exclut pas le risque d'échec». Les joueurs ne sont donc pas fondamentalement déconnectés de la réalité, dit-il.

Le thérapeute ajoute que sur les 70 joueurs qu'il a eu à traiter en 2006, 40% ont organisé des rencontres réelles avec d'autres «avatars». Ces rendez-vous les «reconnectent à la réalité dans le plaisir de la rencontre de l'autre», et apportent sur un plan clinique la «désillusion nécessaire».

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