Yannis Mallat a l'accent hybride de ces Français arrivés au Québec depuis longtemps. Les «là» bien appuyés et les «faque» dont il ponctue parfois ses phrases trahissent les 10 années qu'il a passées ici. L'homme, visiblement, est chez lui à Montréal.

Yannis Mallat a l'accent hybride de ces Français arrivés au Québec depuis longtemps. Les «là» bien appuyés et les «faque» dont il ponctue parfois ses phrases trahissent les 10 années qu'il a passées ici. L'homme, visiblement, est chez lui à Montréal.

Aussi, le nouveau PDG des studios montréalais d'Ubisoft, en poste depuis avril, a bien insisté sur un point quand La Presse Affaires l'a rencontré cette semaine: il n'y a pas de discrimination au sein de l'entreprise qu'il dirige.

Pas de traitement de faveur pour les Français ni d'obstacles pour les Québécois quand vient le temps d'être promu.

M. Mallat réagissait ainsi à un reportage publié dans nos pages au début du mois, mettant en lumière la vague de congédiements et de démissions qui a suivi le départ controversé de l'ancien PDG, Martin Tremblay.

Dans le cadre de cette enquête, d'ex-employés du studio montréalais avaient fait état d'une «guerre larvée» entre Français et Québécois au sein de la boîte.

Ils dénonçaient le fait que plusieurs des postes laissés vacants par des cadres québécois aient été comblés par des cadres d'origine française.

Une tentative de la maison mère française de reprendre le contrôle de sa filiale québécoise, disaient-ils en somme.

Les propos ont piqué Yannis Mallat au vif. «Ça fait 10 ans que je vis au Québec, ma conjointe est québécoise, je vais bientôt avoir un enfant, qui sera québécois évidemment. Il n'y a pas de discrimination chez Ubisoft: 85 % de nos employés sont québécois. Nos créateurs sont des Québécois, des Américains, des Asiatiques, des Français...», a lancé le PDG de 32 ans.

«La discrimination n'existe que dans la bouche de ceux qui en parlent», a-t-il poursuivi, visiblement irrité par ces allégations.

En entrevue dans son vaste bureau, Yannis Mallat a plutôt souhaité insister sur ce qui va bien chez Ubisoft Montréal.

Et, controverse ou pas, force est de constater que les points positifs sont nombreux.

En témoignent notamment les cinq prix remportés la semaine dernière à Vancouver par les jeux King Kong, Prince of Persia et Far Cry Instincts Predator, tous produits angle Saint-Viateur et Saint-Laurent.

À l'heure actuelle, le studio montréalais d'Ubisoft est le deuxième plus important du genre dans le monde en terme d'effectifs, avec quelque 1500 employés, dit M. Mallat. C'est aussi, et de loin, le plus gros studio de la multinationale Ubisoft, fondée en France il y a 20 ans.

La croissance se poursuivra à Montréal, promet le président, entré chez Ubisoft il y a sept ans après un passage à l'Université Laval et à HEC. «Notre objectif est de fêter le 2000e employé en 2010.»

Yannis Mallat a des visées immenses. Il veut faire du studio de Montréal le « numéro 1 » de la planète d'ici cinq ans.

Il n'y a pas à dire, le jeune PDG entrevoit l'avenir du jeu vidéo avec beaucoup d'enthousiasme. Présentement, le marché est en pleine transition.

Des consoles de nouvelle génération seront commercialisées au cours des prochains mois, ce qui marquera le début d'un nouveau cycle.

«Les études prédisent que le marché va de nouveau exploser en 2007, alors que 2006 était peut-être un peu plus plat.»

Ce passage vers des consoles plus puissantes (XBox 360, PS3, Nintendo Wii) permettra d'accéder à un nouveau niveau de réalisme pour les joueurs, dit M. Mallat.

«Pour donner une image plus parlante, c'est comme si on passait d'une télé couleur classique à un écran plat haute définition. C'est ça le jump dans la qualité.»

Avant d'être nommé PDG en avril, Yannis Mallat devait normalement prendre la tête d'un deuxième studio d'Ubisoft à Montréal (projet abandonné depuis).

L'ancien président Martin Tremblay, aujourd'hui chez Vivendi à Los Angeles, n'a jamais digéré cette accession de M. Mallat à un statut hiérarchique équivalent au sien, un geste qu'il considérait comme un congédiement déguisé.

Yannis Mallat a tenté de remettre les pendules à l'heure.

«On a dit beaucoup de choses à ce niveau-là, ça me permet de faire le point. Le départ inattendu de mon prédécesseur a fait en sorte que le deuxième studio n'avait plus sa raison d'être. Aujourd'hui, Ubisoft Montréal, c'est un studio qui continue de croître et continue ses objectifs de croissance pour devenir le premier studio au monde.»

Et pourquoi, au départ, la maison mère avait-elle décidé d'ouvrir un deuxième studio à Montréal? Difficile à dire.

La Presse Affaires a beau avoir reformulé la question à trois reprises, Yannis Mallat s'est contenté de dire que la chose visait des objectifs de «flexibilité» et mettait de l'avant des valeurs «d'innovation», de «créativité» et de «qualité». Refus de répondre, donc.