Le pouvoir vietnamien, plus déterminé que jamais à lutter contre les «fléaux sociaux», s'est trouvé un nouvel ennemi en la personne d'un guerrier virtuel aux pouvoirs surnaturels qui possède les arts martiaux et entraîne avec lui une jeunesse désoeuvrée.

Le pouvoir vietnamien, plus déterminé que jamais à lutter contre les «fléaux sociaux», s'est trouvé un nouvel ennemi en la personne d'un guerrier virtuel aux pouvoirs surnaturels qui possède les arts martiaux et entraîne avec lui une jeunesse désoeuvrée.

Depuis son lancement en juin 2005, l'engouement ne cesse de croître pour «Vo Lam Truyen Ky», («L'homme épée»), le jeu en ligne du Chinois Kingsoft.

Écoliers et étudiants s'entassent pendant des heures dans de minuscules cafés-internet, les yeux rougis par la passion, transfigurés en personnages surpuissants qui séduisent, complotent et tuent à volonté.

«Je me suis fait des copains partout dans le pays. Et au lycée le matin, les garçons ne parlent que de ça», confirme Truong Khanh Hoang, 15 ans, cartable sur le dos, qui s'entraîne trois heures par jour.

Dans ce pays encore marqué par d'étroits carcans traditionnels et idéologiques, la folie pour le jeu touche aussi les actifs.

«Ce que j'adore, c'est de devenir quelqu'un d'autre, parfois un héros, parfois un traître. Je peux même essayer de tuer ma femme», confie Trung, un Saïgonnais de 37 ans, qui souhaite rester anonyme pour échapper aux représailles de son épouse en chair et en os.

Pour Tran Khanh Long, un dentiste de 29 ans qui joue quatre heures par soir, ce mélange de monde médiéval et d'arts martiaux chinois est un cocktail idéal. «Nous avons grandi dans cet univers culturel et nous le retrouvons dans ce jeu», dit-il.

Mais les autorités n'apprécient guère ce monde parallèle, qui éloigne les jeunes de leurs sages études et engendre tricheurs et «joueurs pathologiques», dont certains monnaient leurs armes virtuelles, gages de pouvoir, contre de l'argent bien réel.

Prenant exemple sur la législation chinoise, le gouvernement a publié le 1er juin une ordonnance qui oblige les cafés internet à fermer entre 23 heures et 6 heures du matin. Les établissements doivent être situés à plus de 200 mètres d'une école, et les enfants de moins de 14 ans doivent être accompagnés.

Surtout, au-delà des trois heures de connection, un joueur ne gagnera plus que la moitié des points. Au-delà de cinq heures, son compteur restera bloqué.

Nguyen Thai Linh, étudiant de 22 ans à l'Ecole polytechnique de Ho Chi Minh-Ville (sud), est accablé. «Je joue d'habitude douze heures le samedi et le dimanche. Je n'ai pas le temps pendant la semaine, alors j'ai vraiment besoin de me rattraper le weekend».

La lutte contre les seigneurs du virtuel est loin d'être gagnée.

Inexistant il y a seulement un an, le marché du jeu en ligne au Vietnam compte aujourd'hui deux millions de convertis dans une société où les divertissements sont rares.

«Les cultures asiatiques ont un penchant pour les activités en communauté et ces jeux en sont», explique Henry Nguyen, d'IDG Venture Vietnam, un fonds d'investissement américain. Pour les Vietnamiens, «c'est le moyen le plus facile de s'amuser».

D'autant que cette passion est assouvie pour trois fois rien. Cent heures de jeu sur «Vo Lam Truyen Ky» reviennent environ à quatre dollars, alors qu'une seule séance de cinéma en coûte environ trois.

De 500 000 utilisateurs fin 1999, Internet en comptait 12,5 millions en avril dernier. Du coup, les industriels aiguisent leurs épées.

D'après la Vietnam Software Association (VINASA), le chiffre d'affaires du secteur représentera 83 millions de dollars d'ici trois ans.

«Le leader en Chine, "Legend of Mir", atteint un maximum de 700 000 joueurs simultanés pour 1,3 milliard d'habitants. Au Vietnam, avec seulement 83 millions de personnes, "Vo Lam Truyen Ky" compte jusqu'à 140 000 joueurs, sans doute 200 000 à la fin de l'année», salive Le Hong Minh, président de VinaGame, opérateur du jeu.