La bande annonce de Stay Alive, un film sur les adeptes du jeu vidéo qui meurent parce qu'ils jouent au mauvais jeu, affiche ce message sur l'écran: on retrouve 100 millions d'adeptes des jeux vidéo en Amérique du Nord et le quart sont des joueurs compulsifs.

La bande annonce de Stay Alive, un film sur les adeptes du jeu vidéo qui meurent parce qu'ils jouent au mauvais jeu, affiche ce message sur l'écran: on retrouve 100 millions d'adeptes des jeux vidéo en Amérique du Nord et le quart sont des joueurs compulsifs.

Les jeux vidéo et l'Internet alimentent les craintes depuis que l'ordinateur est devenu un appareil commun dans les maisons. Et la même critique revient continuellement: les gens restent devant leur ordinateur trop longtemps, au détriment des autres facettes de leur vie.

Sont-ils vraiment dépendants? Et le sont-ils autant que certains le prétendent?

En fait, la réponse varie selon le sens que vous donnez au terme dépendant. La majorité des experts estiment que les joueurs les plus actifs ne sont pas intoxiqués au même titre que les utilisateurs de drogue, mais plutôt comme les parieurs invétérés. Les conséquences sont toutefois aussi complexes et peuvent prendre une tournure dramatique.

«Quand j'ai commencé à devenir accro à l'Internet, en 1995, j'ai réalisé que cela pouvait devenir un problème majeur», affirme le professeur Mark Griffiths, qui étudie les comportements des gens dépendants à l'université britannique Nottingham Trent. «Toutefois les recherches ne confirment pas l'existence du fléau que laisse entendre un certain battage publicitaire.»

Certains cas sont toutefois inquiétants. Donna Meyer passe 12 heures chaque jour dans Second Life, un jeu virtuel sur Internet. La grand-mère de 49 ans demeure à New York et partage un logement virtuel avec un partenaire qui demeure au Nouveau-Mexique. Elle assure pourtant que sa «dépendance» ne constitue pas un problème.

«Ma fille se fâche après moi, reconnaît-elle. Elle me dit: Maman, tu devrais sortir et prendre l'air, mais tu es constamment devant ton ordinateur. Je lui réponds invariablement que je suis sans emploi, que je n'ai pas vraiment d'argent pour aller à l'extérieur et que je rencontre des gens sur Internet. Ce que j'apprécie beaucoup.»

Excès et problèmes

Le professeur Griffiths soutient qu'il existe une différence énorme entre les utilisateurs excessifs et ceux qui ont des problèmes. Et même ces derniers pourraient ne pas être intoxiqués. Dans son esprit, pour être dépendant, il faut que l'adepte devienne destructif, affiche des symptômes d'isolement et fasse un usage encore plus inconsidéré de son ordinateur.

«Quand vous appliquez ces critères à des adeptes des jeux vidéo ou à des utilisateurs d'Internet, vous découvrez que de nombreuses personnes ont au moins un de ces symptômes, mais jamais la totalité. Je considère qu'ils ne sont pas dépendants.»

Griffiths souligne ainsi que les gens qui établissent des relations amoureuses par le biais d'Internet délaissent rapidement leur ordinateur quand ils se rencontrent dans le monde réel et qu'ils continuent leurs relations.

Jason Ellis, 32 ans, a toutefois vécu l'effet négatif des jeux par ordinateur. Ils lui ont coûté un emploi et au moins une conjointe. «Lors du lancement de StarCraft, en 1998, je jouais pendant un minimum de 10 heures par jour et j'en travaillais huit», dit ce New-Yorkais qui a maintenant abandonné ces jeux et fait plutôt de la musique.

«Je ne leur reproche pas ce qui n'a pas fonctionné dans ma vie, expliquet-il. C'était un passe-temps monopolisateur et ça fait longtemps que l'ai accepté ainsi.»

Des victimes

Professeur en télécommunications à l'Université Michigan State, Robert La Rose a étudié le phénomène parmi ses étudiants et il estime que la dépendance s'applique à environ 1% des utilisateurs, soit un pourcentage équivalent à celui des parieurs invétérés.

En Corée du Sud, on a attribué à la culture des jeux vidéo prônant la violence le décès d'au moins quatre personnes. Trois hommes sont morts pendant ou après leurs matchs, dont l'un s'est étiré sur une période de 20 jours. Un poupon de 4 mois a suffoqué pendant que ses parents étaient devant leurs ordinateurs.

La psychologue Karen Young soutient que le nombre de joueurs compulsifs sur Internet varie entre 5% et 10%. Par le truchement du Centre for Online Addiction, elle prodigue des conseils au téléphone ou sur son site Internet depuis 1997.

Les joueurs compulsifs ne sont peutêtre pas intoxiqués au sens propre du terme, mais M me Young estime qu'ils ont besoin d'une aide extérieure que les professionnels de la santé sont incapables de donner. «Beaucoup de gens sont venus me voir après des visites à trois ou quatre psychologues qui leur répondaient de fermer leur ordinateur. C'est comme dire à un alcoolique d'arrêter de boire...»

Pour Mme Young, ce scepticisme envers une dépendance aux jeux sur Internet est typiquede la nouvelle réalité des diagnostics. Elle souligne qu'il a fallu des décennies avant que le jeu compulsif ne se retrouve dans le Manuel de diagnostic et des statistiques des désordres mentaux, la bible en matière de psychiatrie.

Elle souligne qu'il faudra davantage de recherches pour établir les caractéristiques entre les différentes dépendances. «C'est tellement nouveau, ça n'existe que depuis 10 ans.»

Mais 10 années dans le monde virtuel, c'est déjà une éternité.

DÉPENDANCE

Quels sont les symptômes?

Pour le joueur dépendant, le monde virtuel du jeu vidéo devient plus attrayant que le monde réel, avec l'école, le travail, la famille... Une série de symptômes a été identifiée par les experts. Les reconnaissez-vous, chez vous ou chez un proche ?

ENFANT

> Passe toutes ses heures de loisir devant l'ordinateur ou la console de jeu.

> S'endort en classe.

> Oublie de faire ses devoirs.

> Présente des résultats scolaires en régression.

> Ment sur le temps passé à jouer.

> Préfère l'ordinateur à ses amis.

> Se retire des cercles d'amis ou d'activités (sports, culture).

> Devient irritable lorsqu'il ne peut jouer pendant un certain temps.

ADULTE

> Obtient des sensations intenses de plaisir ou de culpabilité devant l'ordinateur.

> Ne pense et ne parle que du jeu, même lorsqu'il n'est pas devant un ordinateur ou une console.

> Passe de plus en plus de temps à jouer, au détriment de sa famille, de ses amis et même de son travail.

> Ment sur le temps passé à jouer.

> Devient irritable, colérique ou dépressif lorsqu'il ne peut jouer pendant un certain temps.

> Dépense de plus en plus pour le jeu.

> Laisse le monde virtuel et les rencontres sur Internet remplacer sa vie émotive avec son partenaire et sa famille.

MANIFESTATIONS PHYSIQUES

> Sommeil perturbé.

> Douleurs au dos et au cou.

> Migraines et maux de tête.

> Yeux irrités.

> Désordre de l'appétit.

> Difficulté à maintenir son hygiène personnelle.