L'Ukraine a ordonné mardi le blocage sur son territoire de toute une série de services internet russes dont ses très populaires réseaux sociaux, dans le cadre de nouvelles sanctions contre Moscou dénoncées par des organisations de défense des droits de l'Homme.

Actées par un décret du président Petro Porochenko, ces mesures controversées visent en particulier VKontakte (VK), souvent présenté comme l'équivalent russe de Facebook à l'audience considérable dans toute l'ex-URSS, mais aussi le moteur de recherche Yandex. Elles toucheront des millions d'utilisateurs ukrainiens.

Vivement critiquée par les internautes ukrainiens, cette décision intensifie la guerre économique, mais aussi la guerre de l'information, auxquelles se livrent Kiev et Moscou depuis l'annexion de la Crimée en mars 2014, suivie d'un conflit dans l'Est avec des séparatistes prorusses soutenus militairement selon les autorités ukrainiennes par la Russie qui dément.

Les combats y ont fait plus de 10 000 morts en trois ans.

Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a dénoncé «une nouvelle manifestation de la politique inamicale et à courte vue suivie vis-à-vis de la Russie, une nouvelle décision après tant d'autres qui violent le droit des Ukrainiens à s'informer». Il n'a pas exclu des mesures de rétorsion.

«Le régime de Kiev se dirige à grands pas vers la construction d'un État autoritaire», a renchéri le ministère russe des Affaires étrangères.

Dans le détail, la liste noire diffusée par la présidence ukrainienne cite le groupe Mail.ru du milliardaire Alicher Ousmanov, connu pour le service de messagerie du même nom et surtout ses filiales de réseaux sociaux, les très populaires VK (16 millions d'utilisateurs en Ukraine) et Odnoklassniki.

Ces sanctions ciblent aussi le groupe Yandex, coté à New York, qui détient un moteur de recherche très populaire et a mis au point de nombreux services (agrégateur d'articles de presse, cartographie, etc.), et les antivirus des laboratoires Kaspersky.

Dans des communiqués distincts, Mail.ru et Yandex ont dit regretter une décision qui pénalise avant tout selon eux leurs utilisateurs ukrainiens, mais ne devrait pas avoir d'importantes répercussions financières sur leurs bilans.

«Contre-propagande»

Tanya Cooper, chercheuse de l'ONG Human Rights Watch, a dénoncé sur Twitter «une mesure absurde, disproportionnée» et «un coup terrible porté à la liberté d'internet et à la liberté de l'information».

La représentante de Reporters sans frontières en Ukraine, Oksana Romaniouk, a quant à elle parlé d'«interdiction étrange et inattendue». «Ce sont des sanctions contre les citoyens eux-mêmes», a-t-elle écrit sur Facebook.

De nombreux internautes ont d'ailleurs relevé que les réseaux sociaux interdits, VK et Odnoklassniki, constituaient un moyen essentiel de communication et d'information pour les habitants des régions en guerre, voire pour certains une source d'indices concernant la présumée implication de l'armée russe (démentie par Moscou).

Expliquant sa décision par des besoins de «contre-propagande», le président Porochenko, lui-même membre de ces réseaux, a annoncé sur VK la prochaine fermeture de sa page officielle et appelé ses concitoyens à «quitter immédiatement les serveurs russes à des fins de sécurité».

Kiev n'a cessé de prendre des mesures limitant ses relations économiques et commerciales avec la Russie, partenaire clé depuis l'éclatement de l'URSS il y a plus de 25 ans et jusqu'à la chute dans le sang du président prorusse Viktor Ianoukovitch début 2014.

Les autorités ukrainiennes ont ainsi prohibé certains biens, films ou livres russes, restreint l'activité des filiales des banques russes ou fermé son espace aérien aux compagnies russes.

Les décrets de mardi portent par ailleurs de 682 à 1228 le nombre des Russes ou présumés soutiens du Kremlin interdits de séjour en Ukraine.

Ce pays avait déjà suscité les critiques en 2015 en refusant à de nombreux journalistes russes, mais aussi occidentaux ayant couvert le conflit l'entrée sur son territoire, ce qui avait contraint le président Porochenko à faire partiellement marche arrière.

Plus récemment, Kiev a interdit sur son sol la candidate russe à l'Eurovision, Ioulia Samoïlova, qui s'était produite en Crimée après l'annexion. Le bras de fer ayant suivi a abouti au refus de la télévision russe de diffuser l'émission et à l'exclusion de la Russie de la finale du concours samedi dans la capitale ukrainienne.