Facebook se retrouve sur la sellette en raison de la multiplication de vidéos violentes diffusées en direct par l'entremise de son réseau social.

En début de semaine, les dérives potentielles liées à l'utilisation du service Facebook Live ont de nouveau été mises en relief par un homme thaïlandais qui a pendu sa fillette de 11 mois devant la caméra dans un hôtel abandonné de Phuket avant de se donner la mort.

La vidéo résultante est demeurée accessible en ligne pendant près de 24 heures avant que l'entreprise américaine ne la retire.

La femme de l'homme de 20 ans a indiqué à l'Associated Press qu'elle ne blâmait pas Facebook, qui a exprimé ses condoléances dans un communiqué.

« C'est un incident consternant et nous sommes de tout coeur avec la famille de la victime. Il n'y a absolument aucune place pour ce type de contenu sur Facebook », a relevé la firme.

La Thaïlande avait été touchée par une tragédie similaire en mai dernier lorsqu'un universitaire recherché en lien avec la mort violente de deux collègues s'était suicidé en direct.

Le drame de Phuket est survenu à peine une semaine après qu'un autre meurtre, perpétré à Cleveland, en Ohio, eut été diffusé en direct sur Facebook Live.

Un homme de 37 ans en crise s'est approché d'un vieil homme choisi arbitrairement et lui a tiré une balle dans la tête. Il s'est ensuite donné la mort alors qu'une importante chasse à l'homme était en cours.

« C'est un crime horrible et nous ne permettons pas ce genre de contenu sur Facebook », a indiqué l'entreprise à cette occasion.

« IMMUNITÉ TOTALE »

Les assurances données par Facebook n'ont guère convaincu ses détracteurs, qui lui reprochent de ne pas agir assez énergiquement pour empêcher la répétition de telles dérives.

L'auteur et journaliste Nancy Jo Sales a notamment écrit dans le quotidien anglais The Guardian que l'entreprise n'a rien fait de substantiel pour contrer le fait que son site est « en voie de devenir une sorte de Colisée romain en ligne, une scène publique pour le meurtre, la torture et le viol ».

Le responsable de Facebook Live a indiqué que la firme comptait sur la vigilance du public pour signaler rapidement les vidéos problématiques mais l'approche ne trouve pas grâce aux yeux de Mme Sales.

Images tirées de Facebook, par l'entremise de Reuters

Steve Stephens, de Cleveland, en Ohio, a diffusé en direct sur Facebook Live un meurtre qu'il a commis.

Pierre Trudel, spécialiste du droit des technologies de l'information rattaché à l'Université de Montréal, note que les lois américaines exonèrent Facebook et les autres réseaux sociaux de toute responsabilité légale en lien avec la diffusion de tels contenus.

Les législateurs, dit-il, ont donné une grande latitude à ces entreprises pour enlever tout contenu problématique dans le but de lutter contre la pornographie. Ils leur ont parallèlement accordé une « immunité totale » face à ce qui est diffusé.

Selon M. Trudel, les lois au Québec et en Europe sont plus restrictives et obligent les réseaux sociaux à retirer les contenus illicites lorsqu'ils sont portés à leur attention.

LE DEVOIR D'AGIR

La controverse suscitée par la diffusion de vidéos en direct sur Facebook pourrait contraindre l'entreprise à mettre en place des mécanismes pour déceler et écarter plus rapidement les vidéos problématiques.

Le contrôle en amont du contenu diffusé par les utilisateurs serait cependant très complexe, prévient le chercheur, qui rappelle quelques cas problématiques où l'entreprise a été vertement critiquée pour avoir interdit des oeuvres d'art ou des photos historiques sous prétexte de vouloir lutter contre la pornographie.

« L'entreprise peut se faire critiquer des deux côtés. S'ils censurent trop, des gens vont leur reprocher d'aller trop loin. S'ils ne font rien, des gens vont trouver en ligne des choses qu'ils jugent inacceptables », relève-t-il.

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« Performance criminelle »

Raymond Surette, criminologue rattaché à la Florida Central University, note que le type de problème soulevé par Facebook Live ne risque pas de disparaître de sitôt puisque les technologies actuelles facilitent la tâche des criminels qui veulent se mettre en scène. La « performance criminelle », qu'elle soit motivée par une soif de visibilité ou de vengeance, existe depuis longtemps mais elle a longtemps été limitée par le filtrage des médias traditionnels alors que les outils actuels permettent de les contourner, dit-il. Le professeur est d'avis qu'il serait risqué de demander à Facebook ou d'autres médias sociaux de filtrer d'emblée le contenu mis en ligne par ses utilisateurs en jouant le rôle de censeur. Un scénario potentiellement intéressant, note M. Surette, serait que Facebook développe des outils de filtrage qui sont activés par les utilisateurs eux-mêmes en fonction de leur sensibilité respective.

Facebook Live: trois cas récents de vidéos violentes diffusées

SUICIDE

Un homme de 49 ans de l'Alabama qui vivait une difficile séparation amoureuse a sorti un fusil et s'est tiré une balle dans la tête mardi alors qu'il diffusait ses actions sur Facebook Live. Les forces de l'ordre avaient été avisées par sa conjointe qu'il ne répondait plus à ses appels et se sont précipitées chez lui. Elles sont arrivées après que leur service de communication eut reçu des appels de personnes ayant visionné son suicide en ligne.

VIOL

Un tribunal suédois a condamné cette semaine à deux ans et demi d'emprisonnement deux hommes ayant violé une femme dans la ville d'Uppsala, à une centaine de kilomètres au nord de Stockholm. Un troisième individu qui filmait le viol pour le retransmettre en direct sur Facebook Live a été condamné à six mois de prison pour avoir notamment omis de rapporter le crime.

AGRESSION

Quatre jeunes Afro-Américains de Chicago ont été appréhendés en janvier après avoir brutalisé pendant plusieurs heures un adolescent handicapé de 18 ans tout en multipliant les commentaires racistes. Leur victime, blanche, a été battue, scalpée et s'est vue forcée de boire l'eau des toilettes par les agresseurs, qui ont diffusé leur action par l'entremise de Facebook Live.