Quand la technologie et le sexe font mauvais ménage, la porte est grande ouverte sur de tristes dérapages : non seulement on voit la mise en ligne de vidéos sexuelles pour se venger d'un ex-conjoint, mais aussi l'invention d'arnaques pour extorquer de l'argent, avertissent deux avocats américains.

Mieux vaut y penser à deux fois avant de prendre une photo sexy ou filmer ses ébats sexuels: si les images ont été prises de consentement, ce n'est pas toujours le cas de leur diffusion sur des sites internet - surtout après une rupture amoureuse.

Et alors que des sites web sont créés justement pour offrir un endroit où afficher ces images, les effacer peut être une tâche ardue, voire impossible, ont expliqué Enrico Schaefer, spécialisé en droit des technologies et de l'internet, et Daliah Saper, qui s'occupe de litiges impliquant l'internet et le droit du divertissement.

Le duo a donné une conférence cette semaine lors du festival de nouvelles technologies et d'innovation South by SouthWest 2017 qui s'est déroulé à Austin au Texas.

Si envoyer à son amoureux une photo coquine par texto ou tourner une vidéo de ses propres activités sexuelles entre adultes consentants n'a rien d'illégal, les conséquences possibles ont été décuplées avec l'accessibilité de la technologie, ont expliqué les deux juristes.

Des sites internet ont été créés dans le but d'offrir une vitrine aux ex-conjoints pour diffuser des vidéos ou des photos sexuellement explicites ou embarrassantes d'anciens partenaires, rapportent les deux avocats. Et 90 % des victimes de ces sites sont des femmes, a précisé Me Saper.

L'impact peut être dévastateur : des victimes changent d'école, perdent leur emploi et vivent des traumatismes psychologiques.

Quant à ceux qui ont diffusé la vidéo ou les photos, ils sont souvent d'ex-partenaires amoureux qui veulent se venger ou parfois des pirates informatiques qui ont accédé à des fichiers privés, comme cela fut le cas récemment avec des vedettes d'Hollywood, comme Jennifer Lawrence, qui a vu des photos dénudées d'elle circuler sur le web. Dans un cas, relève Me Saper, il s'agissait toutefois d'un homme qui ne voulait pas se venger, mais, au contraire, se vanter des attraits de sa copine. Elle n'a pas apprécié.

Mais comment les enlever de la sphère publique qu'est le web?

D'abord, il est possible de contacter les administrateurs du site hôte, mais de telles demandes restent souvent lettre morte, ceux-ci plaidant qu'ils n'ont pas créé les images. Ou alors on demande de l'argent en échange pour les retirer.

Une autre possibilité est de rediriger vers un autre site qui offre un service «de nettoyage de réputation». Dans certains cas, la même personne possède à la fois le site de nettoyage et celui qui permet la mise en ligne des vidéos, a indiqué Me Saper.

Un Américain a d'ailleurs écopé de 18 ans de prison en 2015 pour avoir perpétré cette double arnaque sur son site ugotposted.com. Le site de Kevin Bollaert permettait la publication en protégeant l'anonymat des gens qui fournissaient les vidéos ou les photos, mais publiait par contre des informations personnelles des victimes.

Dans d'autres cas, le site hôte retire la vidéo sur demande, mais la refile à de multiples autres sites à l'étranger qui les rendent aussitôt disponibles. Et le processus recommence.

Il est aussi possible de poursuivre plutôt la personne qui a filmé et mise en ligne la vidéo sans le consentement de son partenaire.

Mais même en cas de succès initial, cela non plus n'offre pas toutes les garanties. Me Saper a fait état d'un cas où le fautif a conclu une entente à l'amiable, payé des dommages et accepté de ne jamais republier les photos nues de son ex-copine. Mais quatre ans plus tard, les photographies ont refait surface. Une seconde poursuite a été intentée. L'homme a rétorqué qu'il n'était pas responsable, que les images avaient dû être téléchargées quatre ans plus tôt et remises en ligne par quelqu'un d'autre.

Les deux avocats ont été témoins d'un autre type de fraude impliquant sexe et technologies; des actions collectives sont intentées contre des personnes qui auraient téléchargé illégalement - que cela soit vrai ou non - de la pornographie montrant des actes sexuels hors de l'ordinaire. Les personnes visées paniquent et veulent que leur nom soit retiré au plus vite de l'action en justice, qui est un document public qui peut entacher leur réputation à tout jamais.

Ils ont alors deux choix selon les avocats : se rendre jusqu'au procès pour laver leur nom, ce qui peut s'avérer long et coûteux, ou encore payer pour que leur nom soit enlevé subito presto : une autre forme d'extorsion.

Me Schaefer et Me Saper saluent toutefois une initiative de Google qui permet de diminuer l'impact d'une vidéo - mise en ligne sans le consentement d'un ou des protagonistes - à l'aide d'un formulaire rempli par la victime. Pas de garantie ferme que la vidéo soit effacée à tout jamais, mais au moins, la victime n'est plus censée apparaître dans les résultats lors d'une recherche sur le moteur Google.

Des lois donnent aussi un coup de pouce : au moins 35 États américains ont adopté des lois pour contrer la «porno-vengeance», notamment en écrivant noir sur blanc qu'il est illégal d'être un site internet hôte pour de telles vidéos.