Les géants internet américains Google et Facebook ont pris des mesures mardi pour couper les revenus publicitaires des faux sites d'informations en ligne, après une volée de critiques sur leur rôle supposé dans l'élection de Donald Trump.

L'initiative des deux groupes, qui s'adjugent par leurs régies publicitaires respectives le plus gros du marché mondial de la publicité en ligne, vise à étouffer en la privant de financements une industrie alimentée par des informations sensationnelles et souvent fausses circulant en ligne, et vilipendée ces derniers jours pour son influence potentielle sur l'opinion publique.

«Nous allons commencer à interdire les publicités de Google sur les contenus trompeurs, de la même manière que nous interdisons les publicités mensongères», a indiqué Google dans un communiqué à l'AFP. «A l'avenir nous allons restreindre les publicités sur les pages qui dénaturent ou masquent les informations sur l'éditeur, ses contenus ou le but premier du propriétaire du site.»

Dans une interview à la BBC, le patron de Google Sundar Pichai a reconnu qu'il y avait «eu plusieurs incidents» dans lesquels de fausses informations avaient été signalées «et nous n'avons pas pris les bonnes décisions».

«C'est donc un moment d'apprentissage pour nous et nous allons vraiment travailler pour régler ça», a-t-il ajouté.

Interrogé sur la possibilité que les faux sites d'informations aient pu influencer le vote de certains électeurs à la présidentielle américaine, il a répondu «bien sûr».

«De notre point de vue, les fausses informations ne devraient pas être distribuées, donc nous sommes tous d'accord qu'il faut que les choses s'améliorent», a-t-il reconnu.

Facebook va mettre en place une politique identique. «Nous n'intégrons pas ou ne montrons pas de publicités dans des applications ou des sites dont le contenu est illégal, trompeur ou mensonger, ce qui inclut les fausses informations», a souligné un communiqué du réseau social. «C'était jusqu'à présent sous-entendu, mais nous avons mis à jour notre politique pour clairement exprimer que cela concerne les fausses nouvelles.»

Décisions éditoriales

La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine le 8 novembre a déclenché un débat sur la quantité et l'influence des informations fantaisistes circulant en ligne, qui affirmaient par exemple qu'Hillary Clinton appelait «à la guerre civile si Trump était élu», ou que le Pape François «soutient Donald Trump».

Lundi encore, les internautes cherchant sur Google tombaient sur une fausse information d'un blogue baptisé 70News selon laquelle M. Trump avait remporté le vote populaire en plus de sa victoire chez les grands électeurs. Il a effectivement gagné chez ces derniers, mais Hillary Clinton a recueilli davantage de suffrages populaires.

Facebook en particulier a été accusé d'avoir aidé la victoire de Donald Trump en laissant circuler de fausses informations sur son réseau.

Son PDG-fondateur, Mark Zuckerberg, a réfuté à plusieurs reprises cette idée selon lui «assez dingue», promettant toutefois de faire des efforts pour filtrer davantage les contenus bidons ou désinformant.

«Identifier la vérité est compliqué», a-t-il toutefois encore prévenu ce week-end. «Si certains canulars peuvent être totalement démontés, un grand nombre de contenus, y compris provenant de sources grand public, ont souvent la bonne idée de base, mais avec des détails faux ou omis.»

Certains appellent aujourd'hui à considérer Facebook comme une entreprise de médias, et pas comme une plateforme neutre, afin que le réseau social prenne des décisions éditoriales sur les articles qu'il diffuse.

Il y a quelques mois, Facebook s'était déjà retrouvé au coeur d'une polémique à cause justement des supposés choix éditoriaux faits par l'équipe supervisant les «tendances», la liste des sujets dont on parlait le plus sur son réseau. Il avait été accusé de la manipuler au détriment des conservateurs américains.

Le site internet Gizmodo affirmait d'ailleurs lundi que Facebook disposait d'un outil pour faire la chasse aux fausses informations, mais avait renoncé à s'en servir avant l'élection par crainte de s'attirer les foudres des conservateurs. Le groupe a démenti.

Pour Ken Paulson, ancien de USA Today et doyen de la «media school» de l'université de Middle Tennessee, on ne peut pas obliger Facebook et les autres plateformes en ligne à filtrer l'actualité, mais cela pourrait être bon pour leurs activités: «J'ai l'intuition que la plupart des consommateurs fidèles de Facebook apprécieraient un nettoyage de la place publique.»