L'élection de Donald Trump a fait déferler depuis hier sur internet une vague virale voulant que des millions d'Américains cherchent subitement à émigrer au Canada. La preuve ? Les recherches Google sur le thème ont tellement bondi que le site d'Immigration Canada a flanché au courant de la nuit... mais peut-être pas pour les raisons qu'on pense.

Il est vrai qu'au cours de la nuit et tôt ce mercredi matin, le site d'Immigration Canada a connu une panne temporaire «en raison d'une augmentation importante du volume de trafic», a reconnu le ministère.

En matinée, les tweets contenant «Immigration Canada» étaient au deuxième rang dans les tendances les plus populaires sur Twitter dans la région montréalaise, juste derrière le mot-clic #PresidentTrump. Des médias de partout dans le monde ont d'ailleurs relayé ce gazouillis du maire Coderre destiné aux Américains: «Veuillez prendre note: notre Bureau d'Intégration des Nouveaux Arrivants de Montréal sera ouvert exceptionnellement après le vote américain...».

Sur Google Trends, un outil de Google permettant de connaitre les grandes tendances de recherche pratiquement en temps réel, on apprenait également en matinée que l'expression «Canadian immigration website crash» (panne du site d'Immigration Canada) était parmi les plus en vogue sur Google depuis minuit la veille.

Or, en fouillant en peu plus sur le site, on découvre que les recherches pour cette expression provenaient surtout de Singapour, de l'Australie... et en troisième lieu du Canada. Les Américains, eux, arrivaient au huitième rang des pays qui s'intéressaient à la panne du site d'Immigration Canada. 

Les données de Google Trends laissent par ailleurs croire que plusieurs Canadiens se sont levés en se demandant si les Américains cherchaient à émigrer massivement, puisque la question «Did Immigration Canada website crash ?» était posée au moteur de recherche suffisamment souvent en matinée pour qu'elle apparaisse parmi les requêtes les plus fréquentes au Canada. Pas de trace de cette question en provenance des États-Unis toutefois.

«How to move to Canada ?»

Depuis mardi soir, moment où il est devenu clair que Donald Trump allait l'emporter, des milliers d'internautes ont aussi entré dans le moteur de recherche de Google la requête «how to move to Canada ?» (comment déménager au Canada). Or, d'après Google Trends, ce sont en premier lieu des internautes situés au Canada qui ont questionné Google à ce sujet (la tendance s'était cependant inversée en cours de journée, le nombre d'internautes américains cherchant comment émigrer au Canada était légèrement supérieure en fin d'après-midi que les requêtes provenant du Canada).

Pour Luc Dupont, chercheur membre de l'Observatoire des médias sociaux en relations publiques, il est clair que ces données «démontrent qu'on vit dans une culture très trash» sur internet. «Je pense que ça fait du bien aux Canadiens de penser que les Américains veulent déménager chez nous, mais je n'y crois pas du tout, dit-il. On assiste à une sorte de phénomène d'autocongratulation, un peu lié au fait que, fondamentalement, même le Canada anglais partage la même langue, la même culture populaire et la même musique avec les Américains, nous n'aimons pas les États-Unis», croit-il.

Benoît Descary, spécialiste du référencement sur le web, prévient pour sa part que ces recherches sont généralement des tendances très éphémères. L'intérêt pour l'immigration au Canada peut très bien, selon lui, provenir d'un simple Tweet qui a été fortement partagé. «Twitter agit comme un haut-parleur très puissant lorsqu'on observe des phénomènes en temps réel, et ces tendances ne sont pas nécessairement provoquées par des recherches faites par des individus. Aux États-Unis, Google les indexe lui-même les tweets et en fait des tendances», explique M. Descary.  

Fait à noter, quand on recule dans les archives de Google Trends, on apprend que la requête «Canada Immigration» a connu son sommet ultime de popularité en novembre 2004... lors de l'élection de George W. Bush. Et c'était curieusement les internautes camerounais qui s'intéressaient à la chose, suivis de près par les Canadiens. Les internautes américains, eux, n'apparaissent même pas dans la liste. L'intérêt pour la recherche a depuis diminué de façon constante, jusqu'au mini-soubresaut enregistré hier par le moteur de recherche.