Bonne nouvelle pour les consommateurs : dans une décision coup-de-poing, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a décidé jeudi de mettre au pas les fournisseurs de service internet en charcutant leurs tarifs de gros, jugés « déraisonnables ».

Ces entreprises, comme Bell, Rogers et Vidéotron, qui revendent l'accès haute vitesse en gros à leurs concurrents indépendants se voient imposer des tarifs provisoires « qui reflètent mieux les coûts et qui sont justes et raisonnables », écrit le CRTC.

EXERCICE INSATISFAISANT

Depuis l'hiver dernier, le CRTC menait des séances d'information auprès des gros fournisseurs pour leur présenter les « principes et méthodes reconnus » qu'il s'attendait à voir appliqués dans le calcul des tarifs. C'est l'organisme fédéral qui s'assure que les gros fournisseurs de service internet permettent aux indépendants d'entrer dans le marché. À la demande du CRTC, les gros fournisseurs - Bell Canada, Cogeco, MTS, Rogers Communications, SaskTel, Shaw, Telus et Vidéotron - ont déposé leurs tarifs réévalués en juin dernier. À la grande surprise des fonctionnaires, ces tarifs étaient généralement à la hausse, là où l'organisme avait réclamé une baisse.

RÉVISIONS GÉNÉRALES

Pour chaque fournisseur d'internet en gros, le CRTC a pris soin de signaler les coûts qu'il estimait mal évalués. Bell Canada, par exemple, souhaitait inclure des « coûts liés à l'amélioration de la productivité », ce qui lui a été refusé. Vidéotron a choisi de recourir aux services d'un spécialiste pour établir ses coûts, plutôt que d'utiliser un tableau standardisé approuvé par le CRTC. Rogers, de son côté, a estimé que des coûts d'immobilisation étaient en fait des dépenses d'exploitation, ce que rejette le CRTC. « Le fait que les grandes compagnies n'ont pas respecté les principes et méthodes acceptés est très troublant, déclare par communiqué le président du CRTC, Jean-Pierre Blais. Il est encore plus inquiétant de constater que l'accès des Canadiens à un choix de services internet à large bande aurait été en jeu si nous n'avions pas révisé ces tarifs. »

RABAIS JUSQU'À 89 %

En termes polis, le communiqué du CRTC publié jeudi explique qu'on « ne s'attendait pas à un non-respect des principes et méthodes reconnus d'établissement des coûts ». Le CRTC se dit « très préoccupé » par cette situation et, dans un langage qui ne lui est pas habituel, répète que les tarifs proposés « n'étaient ni justes ni raisonnables ». On a donc imposé une baisse provisoire pouvant atteindre, dans certains cas et pour le transport des signaux, 89 % du tarif qu'exigeaient les gros fournisseurs. À titre d'exemple, un de ces fournisseurs, qui facturait plus de 2000 $ « par tranche de capacité de 100 Mbps », se voit contraint de descendre à 395 $. Tous les gros fournisseurs se voient obligés de facturer moins de 400 $ dans ce volet particulier, pratiquement du jamais vu dans l'industrie.

DEVOIRS À REFAIRE

Au CRTC, on explique que les entreprises visées ont jusqu'au 7 novembre pour appliquer les nouveaux tarifs imposés à la baisse. Elles devront ensuite présenter de nouvelles grilles tarifaires, qui devront être acceptées. Il n'y a techniquement aucune limite de temps à ces tarifs provisoires. « Le CRTC poursuivra son étude approfondie des divers avis de modification tarifaire en vue d'établir des tarifs définitifs », précise-t-on. On s'attend à ce que les baisses imposées se reflètent sur la facture des clients des fournisseurs indépendants, dans un premier temps. L'un d'eux, contacté par La Presse, a d'ailleurs confirmé qu'il offrirait des tarifs réduits dans les prochains jours.

«Nous sommes très confiants que ces changements auront un impact important sur l'industrie, dit Jean-Philippe Béique, PDG d'Ebox, une entreprise basée à Longueuil qui dessert quelque 70 000 clients au Québec et dans l'est ontarien. Les 'petits fournisseurs' pourront enfin devenir grands.» Il note cependant qu'après avoir baissé les tarifs pour le transport des données, le CRTC n'a toujours pas terminé la grille tarifaire de l'autre volet important, l'accès, qui représente grosso modo 50% de la facture. «Il reste encore la portion accès qui demeure à déterminer avant de crier victoire pour les Canadiens.», précise-t-il.