La Commission européenne a ouvert jeudi une troisième brèche contre le géant américain de l'internet Google, l'accusant cette fois de position dominante dans ses pratiques publicitaires.

L'entreprise de Mountain View est désormais visée par trois enquêtes de Bruxelles pour pratiques anticoncurrentielles sur trois sujets différents: une situation sans précédent dans l'histoire de l'UE.

Jeudi, l'exécutif européen lui a adressé une «communication des griefs» --l'équivalent d'un acte d'accusation dans le jargon bruxellois -, lui «reprochant d'avoir abusé de sa position dominante en limitant artificiellement la possibilité, pour les sites web tiers, d'afficher les publicités contextuelles émanant de concurrents».

Le même jour, la Commission européenne a complété une accusation déjà formulée en avril 2015, selon laquelle Google a abusé de sa position dominante en favorisant systématiquement son service de comparaison de prix dans ses pages de résultats.  À ces deux fronts, s'ajoute un troisième, ouvert le 20 avril dernier, concernant le système d'exploitation et les applications Android. Bruxelles accusait Google d'obliger les fabricants de smartphones utilisant son logiciel de pré-installer ou de privilégier certains de ses services sur leurs appareils.

Dans chacun des trois cas, Google pourrait recevoir une amende allant jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires.

Un porte-parole de l'exécutif européen a toutefois précisé qu'«on ne peut spéculer sur le montant (de l'amende) actuellement». «Cela dépend du comportement anticoncurrentiel de l'entreprise ainsi que de la durée du comportement», a-t-il souligné.

Jusqu'ici, l'entreprise la plus lourdement sanctionnée par l'UE est le géant américain des logiciels, Microsoft: en moins d'une décennie, il a dû payer environ deux milliards d'euros.

Google doit désormais répondre aux trois accusations à la fin de l'été:

- Pour Android: la date-limite est le 7 septembre, la firme ayant demandé un nouveau délai pour étoffer sa réponse.

- Pour le comparateur de prix, Google dispose de huit semaines à compter de ce jeudi, et pour les pratiques publicitaires, de dix semaines.

«Certaines personnes ont annulé leurs vacances» pour préparer la défense, indiquait-on jeudi dans l'entourage du groupe américain.

Au tour de groupes européens?

Face aux nouvelles accusations de la commissaire européenne à la Concurrence, l'intransigeante Danoise Margrethe Vestager, Google s'est contenté pour l'instant d'une réaction laconique transmise par courrier électronique à l'AFP.

«Nous croyons que nos innovations et améliorations de produits ont offert plus de choix aux consommateurs européens et stimulé la concurrence. Nous examinerons les nouvelles pièces de la Commission et apporterons une réponse détaillée au cours des prochaines semaines», a-t-il argué.

«La défense de Google est connue d'avance: Ils vont dire que c'est de l'acharnement contre eux et les Américains, mais je pense que Mme Vestager ne mettra pas longtemps à démontrer qu'elle ne se soucie pas de la nationalité des sociétés pour les condamner», a commenté Jacques Lafitte, fondateur d'Avisa Partners, un cabinet bruxellois, spécialiste des dossiers de concurrence.

Les relations entre les États-Unis et l'Union européenne se sont en effet tendues récemment sur les dossiers de concurrence. À plusieurs reprises, Washington s'est emporté contre Bruxelles en raison des enquêtes menées par l'UE sur les pratiques fiscales des multinationales, qui viseraient de «manière disproportionnée» les firmes américaines.

Interrogée jeudi lors de sa conférence de presse, Mme Vestager, qui avait reçu la veille le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, en tournée en Europe, a préféré botter en touche.

«Mon tweet sur notre rencontre était approprié», a-t-elle simplement dit. Le tweet en question les montrait tout sourire, avec la légende suivante: «Très bon entretien avec M. Lew sur l'économie européenne et la coopération transatlantique».

Dans les jours qui viennent, selon une source européenne proche des dossiers, Mme Vestager pourrait s'attaquer maintenant à des groupes européens.

Elle s'apprêterait à infliger aux grands fabricants européens de camions une amende record pour entente illicite.

Dans son collimateur: MAN et Scania, tous deux propriétés du groupe allemand Volkswagen, mais aussi l'allemand Daimler, le néerlandais DAF, l'italien Iveco et le franco-suédois Renault-Volvo, accusés de s'être entendus sur les prix et les conditions de livraison entre 1999 et 2011.