Google a annoncé jeudi avoir fait appel de la condamnation à 100 000 euros d'amende que lui a infligée en mars la CNIL pour ne pas avoir accepté de déréférencer des informations concernant des particuliers sur toutes les extensions de son moteur de recherche.

Google estime notamment que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n'a pas le pouvoir de l'obliger à faire appliquer ses décisions hors des frontières françaises.

L'affaire découle directement d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a consacré le «droit à l'oubli» numérique en mai 2014, en donnant aux citoyens, sous certaines conditions, la possibilité d'obtenir des moteurs de recherche le déréférencement d'informations les concernant directement.

Il s'agit de supprimer des liens contestés de la liste des résultats affichés après une recherche portant sur le nom d'une personne, sachant que les sites incriminés seront toujours accessibles en cherchant avec d'autres mots-clefs.

Si Google a accepté d'appliquer ce principe du «droit à l'oubli», il n'a fait disparaître les résultats que pour les recherches effectuées à partir des extensions européennes de son site, comme google.fr en France ou google.it pour l'Italie, mais pas google.com, l'adresse principale du moteur, ni ses déclinaisons hors d'Europe, au grand dam de la CNIL.

«La CNIL en tant qu'autorité nationale en France n'a pas ce pouvoir, de par la loi française, d'imposer des mesures hors de ses frontières», a expliqué à l'AFP Yoram Elkaim, directeur juridique de Google pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient.

«Ce n'est plus un débat sur le droit à l'oubli, et d'ailleurs on ne le met pas en cause, c'est vraiment un débat plus général sur l'extraterritorialité, la disponibilité des contenus de par le monde», a-t-il estimé.

«Depuis des années, on résiste à des demandes similaires dans des pays moins démocratiques qui nous demandent de retirer des contenus globalement parce qu'ils enfreignent des lois locales: la Turquie avec par exemple une loi qui interdit de dénigrer (le fondateur et le premier président de la République de Turquie) Atatürk, la Thaïlande qui interdit toute critique du roi...», a poursuivi le responsable.

«Ces règles-là s'appliquent sur leur territoire, mais elles ne peuvent pas dicter ce que les internautes français peuvent voir ou non».

«C'est important de maintenir ces principes-là. Et si demain, on applique la décision de la CNIL de façon mondiale, on sera en position beaucoup plus faible pour continuer à défendre le principe de territorialité dans ces autres pays où on nous demande de retirer des contenus», a souligné Yoram Elkaim.

Google, qui a ajouté un filtrage géographique au déréférencement sur les versions européennes de son moteur de recherche, empêche désormais les internautes basés en France d'accéder aux résultats de recherche contestés dans 99,9% des cas, a-t-il relevé.

Le groupe américain n'attend pas de décision du Conseil d'État, saisi de la procédure d'appel, avant le printemps ou l'été 2017, selon lui.