Les milliers d'amis de Sarah Bell sur les réseaux sociaux ne la connaissaient que sous le pseudonyme qu'elle utilisait dans le cadre de ses activités de roller derby: R'effin Adora Bell.

Pour Facebook, la jeune femme de 37 ans était toutefois une délinquante effrontée ayant enfreint sa politique obligeant ses utilisateurs à afficher leur véritable nom.

Mme Bell a perdu l'accès à son compte pour avoir eu recours à un pseudonyme et a été choquée d'apprendre que Facebook exigeait qu'elle prouve son identité.

Facebook a demandé à la dame de lui transmettre des copies numériques de son passeport et de son permis de conduire afin de retrouver son compte. Après une bataille de cinq semaines pour protéger sa vie privée, elle a fini par céder.

En entrevue, Sarah Bell a admis en soupirant qu'elle n'avait pas eu le choix d'accepter puisque le réseau social était son principal mode de communication avec les gens.

La mésaventure de Mme Bell, qui est survenue l'an dernier, est loin d'être unique. Les plaintes déposées quotidiennement contre Facebook et Twitter laissent entendre que cette pratique de verrouiller les comptes existe depuis des années et que les raisons pour lesquelles les réseaux y ont recours sont souvent nébuleuses.

David Fewer, un avocat spécialisé en droit des technologies, se demande pourquoi Facebook ne pourrait pas utiliser d'autres moyens pour vérifier l'identité des gens. Il estime que le fait que cette politique soit une condition d'utilisation n'en fait pas pour autant quelque chose de juste.

« Il existe d'autres types de mécanismes auxquels Facebook peut recourir pour confirmer l'identité d'une personne », a fait valoir MFewer, qui dirige la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, établie à Ottawa.

« Ce n'est pas parce que des trucs plates se produisent que nous devrions tous fournir notre identité ou nos pièces d'identité seulement pour utiliser un service comme celui-là. »

La politique de Facebook concernant les pseudonymes avait été vivement critiquée en 2014 après que la compagnie eut verrouillé plusieurs comptes appartenant à des « drag queens » de San Francisco. Cette controverse avait poussé le réseau à assurer que les présumés contrevenants seraient avisés avant que toute sanction soit appliquée et à offrir plus de soutien sur le plan de la vérification de l'identité.

L'acteur et réalisateur torontois Michale Mahonen a toutefois affirmé n'avoir reçu aucun avis lorsqu'il a été forcé de soumettre son permis de conduire pour prouver son identité, et ce, même s'il n'avait pas recours à un pseudonyme.

Il soupçonne un autre utilisateur de s'être plaint de ses messages par rapport au traitement réservé par la Chine aux adeptes du Falun Gong, ce qui a entraîné la suspension de son compte Facebook.

Lorsqu'il a demandé à l'entreprise pourquoi il avait perdu l'accès au réseau, elle lui a répondu qu'elle n'avait pas le droit de lui dire.

M. Mahonen n'a pas apprécié le fait de devoir fournir des pièces d'identité gouvernementales pour corriger la situation. Il indique cependant que Facebook, à sa défense, lui a suggéré de censurer certains renseignements, comme son numéro de permis de conduire.

Selon la porte-parole de Facebook, Meg Sinclair, un compte est généralement verrouillé lorsque les règles de la communauté virtuelles ont été enfreintes.

« Depuis les tous débuts, l'une des règles est que c'est un endroit où les gens doivent utiliser leur véritable identité et c'est ce qui différencie Facebook de la plupart des autres plateformes », a-t-elle soutenu.

« C'est l'une de nos mesures de sécurité les plus importantes. Nous avons souvent pu observer que les gens sont beaucoup plus respectueux et enclins à suivre les règles et à ne pas intimider, harceler ou utiliser l'internet à des fins douteuses lorsqu'ils utilisent leur véritable nom. »