En permettant de connecter entre eux des objets physiques, l'internet a lancé une nouvelle révolution qui pourrait changer le visage des villes. Et Montréal doit tout faire pour ne pas mettre des bâtons dans les roues de ceux qui tentent d'en profiter.

C'est le message qu'a lancé jeudi à Montréal Carlo Ratti, directeur du Senseable City Lab du MIT, et l'une des « 50 personnes qui vont changer le monde », selon le magazine Wired.

L'INTERNET DES OBJETS

Des voitures aux thermostats en passant par les téléviseurs et les autobus, tout, maintenant, se connecte à l'internet. Les experts annoncent que cet « internet des objets », qui relie le virtuel au réel, est en train de provoquer une nouvelle révolution. Selon Carlo Ratti, pas moins de 50 milliards d'appareils et machines de toutes sortes seront connectés d'ici 2020, générant chaque seconde un flux hallucinant d'informations.

M. Ratti s'intéresse à ce que ces informations peuvent révéler sur les villes. Un exemple : en analysant les données GPS décrivant tous les trajets de taxi faits à New York pendant un an, il a déduit qu'un bon système de covoiturage pourrait transporter tous les New-Yorkais avec 40 % moins de voitures et de routes qu'aujourd'hui.

« Nous pouvons maintenant décrire les villes comme des organismes vivants », a-t-il dit jeudi lors d'une conférence organisée par la grappe Techno Montréal, montrant par des animations qu'on peut voir ces « organismes » évoluer en temps réel grâce aux nouvelles informations qu'ils génèrent.

LE MESSAGER

Son téléphone portable sonnait constamment. Des gens voulaient lui parler de leur projet. D'autres, le prendre en photo ou lui laisser une carte professionnelle. Carlo Ratti a eu bien du mal à s'extraire de la salle de conférence du Centre Mont-Royal, jeudi. À la fois architecte, ingénieur, designer et inventeur, cet Italien dirige le Senseable City Lab du MIT, à Boston, l'un des centres de recherche les plus en vue sur les nouvelles technologies. En 2012, le magazine Wired l'a nommé parmi les 50 personnes qui vont changer le monde dans lequel nous vivons.

FAIRE PARLER LES DONNÉES

La spécialité de M. Ratti et de son équipe : faire parler la gigantesque quantité d'informations que génèrent les gens et les appareils sur la planète, et qui s'accumulent souvent à notre insu. Voici quelques exemples.

En analysant la couleur des photos affichées par les internautes sur les réseaux sociaux, M. Ratti a montré qu'on peut mesurer le niveau de sécheresse en Espagne. « C'est comme si on s'appropriait les yeux de millions de personnes », dit-il.

En mesurant la longueur des messages laissés sur Twitter par les spectateurs pendant un tournoi de golf, on peut déduire le niveau d'excitation qui règne sur place. Plus les gazouillis sont courts, plus il y a de l'action.

En équipant des chercheurs de capteurs de pollution miniatures et en les envoyant se balader à Hong Kong et Shenzhen, le Senseable Lab les a transformés en « sondes humaines » capables de mesurer la véritable exposition aux polluants des citoyens lors de leurs déplacements quotidiens.

DES CONSEILS POUR MONTRÉAL

Comment Montréal, qui affirme vouloir devenir une « ville intelligente », peut-il tirer profit de l'internet des objets ? Le premier conseil de M. Ratti aux autorités municipales est simple : accumuler et rendre disponibles le plus de données possibles.

« Ensuite, il faut laisser les gens développer de nouvelles applications et les laisser expérimenter », a dit M. Ratti à La Presse en marge de la conférence.

Il donne l'exemple d'Uber, un service qui, selon lui, ne doit pas être freiné. « Le rôle des politiciens est d'autoriser ce genre de service, puis de gérer la transition », croit-il.