Les Algériens sont restés en partie coupés du monde lundi, cinq jours après une panne géante d'internet dont l'impact est toutefois limité par la faible numérisation de l'économie nationale.

«J'ai l'impression d'être revenue à la préhistoire», ironise Hassiba, un médecin qui fait ses recherches sur internet. «Je me sens comme un foetus à qui l'on a coupé le cordon ombilical», se désespère Mohamed, un banquier.

L'Algérie a perdu 80 % de sa capacité de connexion à la toile à cause d'une coupure sur un câble sous-marin au large d'Annaba (600 km à l'est d'Alger) survenue jeudi, a indiqué dimanche le PDG d'Algérie Télécoms, Azouaou Mehmel.

Dans tout le pays, des cybercafés, dont le nombre a explosé ces dernières années et où les jeunes veillent jusqu'au milieu de la nuit pour clavarder ou se livrer à des jeux en ligne, ont dû fermer les portes.

Sur les réseaux sociaux accessibles par intermittence, les internautes expriment frustration et colère, notamment contre la jeune ministre des Télécommunications Houda-Imane Feraoun, 35 ans, «dépassée» selon eux. Ils critiquent le gouvernement qui n'a pas pu doter le pays d'une infrastructure «fiable» malgré une aisance financière liée aux revenus pétroliers et gaziers.

Certains internautes vont plus loin et évoquent une panne «préméditée» par les autorités pour la mise en place d'un système de surveillance d'internet, annoncé début octobre.

Vague internet

En 2003 et en 2009, l'Algérie avait déjà connu des coupures. Mais elles n'avaient pas eu un tel impact en raison de la faiblesse alors du nombre d'abonnés, et les investissements promis depuis n'ont pas été réalisés.

Le pays dispose d'un seul cable le reliant à l'Europe au niveau de Marseille (sud-est de la France), d'une capacité de 425 Gigats octets (Go), mais utilisé à hauteur de 405 Go. Un autre câble de secours, d'une capacité de 80 Go, relie Alger à Palerme (Italie).

Le projet d'un troisième câble entre Oran (ouest) et Palma de Majorque (Espagne) a été lancé en 2009, mais n'a pas été réalisé pour des «raisons de procédure» et devra attendre 2016, a déploré M. Mehmel.

«Peut-être n'avons-nous pas vu venir la vague internet», a-t-il confessé dimanche lors d'une conférence de presse, en précisant que l'utilisation de Youtube et de Facebook consommait à eux seuls 51 % de la capacité de connexion.

L'Algérie compte 10 millions d'abonnés à la 3G et deux millions à l'ADSL, sur une population de 40 millions d'habitants. L'internet y est le premier moyen de divertissement dans un pays en manque de loisirs.

«Les Algériens sont devenus accros à internet et la coupure fait le buzz dans les médias et dans la rue», constate Younes Grar, expert en technologies de la communication, interrogé par l'AFP.

La panne est particulièrement malvenue pour des dizaines de milliers de demandeurs de logement subventionnés qui devaient être informés dimanche par internet sur le sort réservé à leur demande. Ce qui a accru leur colère.

Mais la faible numérisation de l'économie est apparue comme un lot de consolation dans le pays où il n'y a pas de cybercommerce ni transfert d'argent en ligne.

«Si l'Algérie avait développé le commerce électronique et le e-gouvernement, le désastre serait encore plus grave: c'est l'avantage de ce sous-développement électronique», souligne M. Grar, qui a quitté depuis une quinzaine de jours son poste de conseiller de la ministre en charge de TIC.

À une quinzaine de kilomètres au large d'Annaba, encadrés par un important dispositif de sécurité, les techniciens d'un navire câblier arrivé de Marseille ont réussi à localiser et à hisser sur le pont le premier bout du câble endommagé sur une longueur de 100 mètres. Ils s'affairaient à retrouver le deuxième.

Un navire ayant jeté l'ancre dans cette zone située en dehors du bassin serait à l'origine de la coupure, selon l'opérateur qui a déposé plainte contre x.