Utiliser les Pokémons pour expliquer Darwin ou Stromae pour vulgariser la perspective: le virus de la science a infiltré YouTube, la filiale de Google plus connue pour ses vidéos d'humour et de musique.

«Les chaînes de vulgarisation scientifique ont commencé à se développer il y a deux ans aux États-Unis et commencent à arriver en France», explique-t-on chez YouTube.

Des jeunes scientifiques ou amateurs passionnés, pas forcement geek dans l'âme, ont choisi la plateforme vidéo pour vulgariser leur savoir le plus largement possible.

«Je me sens un peu chargée d'une mission», confie à l'AFP Florence Porcel, 32 ans, créatrice de la chaîne YouTube spécialisée en astronomie, «La folle histoire de l'Univers». «Il est extrêmement important que chaque citoyen comprenne le fonctionnement du monde», ajoute-t-elle.

Même motivation chez Mickaël Launay, à l'origine de «Micmaths», pour qui les sciences «sont un enjeu de société». «Des chiffres sont balancés à longueur de journée. Et on ne sait pas toujours les comprendre. Chacun doit pouvoir réfléchir sur la société de manière éclairée», constate le trentenaire qui explique à longueur de vidéo le théorème de Pythagore ou les secrets des nombres premiers.

Mais pour faire passer leur message, ils ont un gros problème à surmonter : les sciences, c'est compliqué et rébarbatif pour le commun des mortels.

Pour casser cette image, les YouTubeurs manient l'humour, l'autodérision, la mise en scène, les effets visuels. «On peut parler de relativité restreinte, de physique quantique tout en étant marrant», assure Florence Porcel.

«Le problème c'est qu'en France si on parle d'un sujet scientifique, il faut que ce soit sérieux alors que dans les pays anglo-saxons, les vulgarisateurs arrivent à faire rire», ajoute la jeune femme.

La clé de la réussite ? Trouver une formule originale. Léo Grasset sur sa chaîne Dirty Biology explique en 8'5» la théorie darwinienne de l'évolution en utilisant les Pokémons. Mickaël Launay introduit la perspective isométrique à partir de la pochette d'un album de Stromae.

Le profil de ces pionniers varie du docteur en mathématiques au pur autodidacte. Et dans un secteur aussi pointu se pose la question de la crédibilité de l'explication. «Comme je ne suis pas spécialiste, je suis obligée de tout vérifier, chaque mot, chaque phrase», explique Florence Porcel.

«Les filles regardent la mode, les garçons les sciences»

Se pose également la question du contrôle par YouTube du contenu de ces vidéos. «Si demain sous prétexte de vulgarisation scientifique quelqu'un explique comment créer un explosif, la vidéo sera supprimée», précise YouTube. «Mais s'il dit une énormité, on considère que c'est à la communauté de s'en saisir et de lui répondre dans les commentaires».

Claudie Asselin-Missenard, professeur de mathématiques, salue le travail de Mickaël Launay: «C'est bien choisi, avec un vrai contenu et mathématiquement sans erreur». «Ses vidéos sont bien considérées dans le monde éducatif», affirme-t-elle.

Mais vulgarisateur scientifique sur YouTube n'est pas encore devenu un métier. «C'est dur d'en vivre aujourd'hui, d'ailleurs je n'en vis pas», avoue Florence Porcel. Elle a déménagé de Paris à Lyon pour réduire ses frais. Léo Grasset, lui, s'est expatrié en Thaïlande.

Mickaël Launay évalue à 700-800 euros par mois ses revenus (revenu publicitaire partagé avec YouTube plus des dons d'admirateurs sur tipee, un site de financement participatif).

«Sur YouTube, on peut atteindre très rapidement une audience même sur les sujets de niche comme la science», fait valoir la plateforme.

Les YouTubeurs scientifiques ont encore une large partie de la population à conquérir. «Tout le monde est sur YouTube, mais les filles regardent la mode et les garçons regardent les sciences, c'est triste», constate Florence dont 90% des abonnés sont des hommes et ont majoritairement de moins de 35 ans.