Entre le piratage de cartes bancaires ou la diffusion de photos compromettantes sur internet, la vie en ligne est truffée de menaces bien réelles, et devient un marché porteur pour les assureurs. Leur nouvelle cible: les particuliers.

Face aux attaques informatiques lancées par des pays hostiles ou aux mafias devenues maîtres dans l'art du piratage, les États et les entreprises ont bien pris conscience des dangers encourus.

Les assureurs se sont déjà engouffrés sur le créneau: «Aux États-Unis, environ 30% des entreprises sont couvertes par une cyber-assurance. En France, le marché est balbutiant, avec moins de 5%», remarque Pauline Adam-Kalfon, spécialiste de l'assurance au cabinet PwC.

«Mais environ 85% des dirigeants considèrent que le risque cyber est un sujet de préoccupation, la prise de conscience augmente», ajoute-t-elle.

L'offre pour les particuliers, elle, démarre doucement.

Pourtant, pour un ado victime de harcèlement sur internet, un internaute luttant pour se faire rembourser une commande jamais passée ou un distrait qui transmet toutes ses informations à l'auteur d'un pourriel sophistiqué, les répercussions peuvent être sérieuses.

Premiers à s'être lancés sur le marché, en 2011-2012, SwissLife propose un contrat spécifique pour protéger l'image de ses clients sur le web quand Axa intègre des protections contre les risques numériques dans un pack de garanties des accidents de la vie. Sur 220 000 de ces contrats proposés chaque année, environ 10% optent pour l'option internet.

Depuis, d'autres assureurs comme Groupama ou April ont développé des offres d'assistance juridique, intégrée ou non à un contrat plus vaste. Cofinoga ou FranFinance, une filiale de Société Générale, vendent des formules plus complètes. BNP Paribas Cardiff, qui propose déjà un produit en Allemagne, étudie un éventuel lancement en France en 2016. Ces services sont en général proposés pour moins de 10 euros par mois.

Les assurances interviennent surtout en cas de litiges avec des commerçants, de fraudes à la carte bancaire, d'usurpation d'identité et d'atteinte à la réputation.

En fonction de la couverture proposée, elles s'engagent à une assistance juridique, indemnisent du préjudice causé, remboursent les sommes litigieuses, voire prennent en charge des frais judiciaires.

Certaines paient la prestation d'une société spécialisée pour faire disparaître des contenus litigieux, parfois des séances de psy pour les victimes de harcèlement notamment.

«Illusion de la sécurité»

Pour Maxime Chipoy, spécialiste des assurances à l'association UFC-Que Choisir, toutes ces offres représentent surtout «le prix de l'illusion de la sécurité».

«Avec ce genre de produits, les assureurs sont soumis à une obligation de moyens, pas de résultats. Si vous êtes victimes de propos injurieux, l'assureur peut vous aider à vous déréférencer de Google, mais rien ne garantit qu'ils ne réapparaitront jamais», remarque-t-il.

Quant aux fraudes sur les moyens de paiement, même «si votre banque ne peut pas prouver que vous n'avez pas utilisé les codes confidentiels, elle a de toute façon l'obligation de vous rembourser. Il n'y a besoin ni d'assurance sur les cartes bancaires ni sur les cyber risques», ajoute Maxime Chipoy.

Les particuliers sont de fait largement protégés par les textes existants, qu'il s'agisse des lois sur la diffamation, sur la protection de la vie privée ou contre la fraude.

Mais face à la complexité des textes ou au casse-tête de certains services clients, «les gens sont souvent démunis», remarque Agnès Pfertzel, directrice du marché santé, prévoyance et dépendance individuelles à Axa France.

Un expert juridique est lui formé à la négociation avec des parties adverses, sait à quelles portes frapper, un technicien saura retrouver qui est à l'origine d'un site malveillant.

Quand il s'agit de fermer un compte Facebook piraté par exemple, les équipes de Reputation Squad, un prestataire de SwissLife et Axa, sont rodées à la préparation du dossier prouvant de manière formelle une usurpation d'identité. Surtout, ils sont «en dialogue direct» avec les responsables du réseau social, explique Fabrice Ivara, co-fondateur de l'entreprise.

Et, remarque-t-il, même si «les particuliers maîtrisent de mieux en mieux leur utilisation d'internet, savent mieux paramétrer leur compte Facebook», les pirates informatiques «auront toujours une longueur d'avance».