S'appuyer sur les lecteurs pour faire circuler l'information via les réseaux communautaires, c'est le pari de certains sites, comme Buzzfeed ou Upworthy. Une pratique adoptée par les médias qui y voient un moyen d'attirer un maximum d'internautes sur leur page web.

Fin 2013, la société Shareaholic a analysé l'origine du trafic de quelque 200 000 sites internet dans le monde.

Cette étude montre que les internautes venus des principaux moteurs de recherche (Google, Yahoo, Bing, Ask, AOL) sont en baisse (-6% sur un an), même s'ils restent majoritaires (40% du trafic des sites), alors que les visiteurs en provenance de certains réseaux communautaires ou sites de microblogues sociaux (Facebook, Pinterest, Twitter, StumbleUpon, Reddit) a plus que doublé (+110,95%) pour atteindre 24% du total des visites.

Cette tendance touche aussi les sites d'information, comme l'ont souligné les participants aux 8e Assises du journalisme, organisées de jeudi à samedi à Metz.

«Les réseaux sociaux sont une porte d'entrée qui monte pour les sites de médias. Google reste très important pour la presse, mais il commence à avoir des concurrents très sérieux», a déclaré lors d'une conférence Arnaud Mercier, le directeur de l'Observatoire du webjournalisme.

Ce «chemin» pour accéder aux sites d'information est beaucoup plus répandu chez les plus jeunes, abonde le Digital news report 2014 du Reuters Institute.

Plus du tiers (38%) des 18-24 passent par Facebook ou Twitter alors qu'ils ne sont que 20% dans la tranche 45-54 ans et 17% chez les plus de 55 ans.

Cet usage est dopé par le développement des téléphones intelligents et des tablettes qui permettent d'emmener partout les réseaux sociaux et de partager, commenter ou «aimer» tel ou tel contenu à la caisse du supermarché, dans le bus ou en marchant, soulignent les spécialistes.

75% du trafic issu des réseaux sociaux 

Certains médias, nés ces dernières années, ont construit leur modèle là-dessus.

Buzzfeed, le site américain d'informations et de divertissement aux 150 millions de visiteurs uniques (VU) par mois dans le monde, voit 75% de son trafic internet provenir des réseaux communautaires. Il revendiquait 80 millions de VU il y a un an.

Dans ses bureaux, à New York, une équipe est uniquement chargée «d'observer ce qui se passe sur Snapchat, Whatsapp et Facebook pour augmenter notre propre expertise», a expliqué à Metz, Scott Lamb, le vice-président de Buzzfeed en charge de l'international.

En outre, chaque article publié est «observé par un tableau de bord pour permettre au journaliste de comprendre où et comment il a été partagé», a-t-il ajouté, estimant que les lecteurs étaient devenus le «réseau de distribution» des contenus pour les sites d'information.

En France, des rédactions «pure-players», c'est-à-dire nées directement sur internet, telles que Melty ou le groupe Webedia (Purepeople, Puretrend, Puremedias...), utilisent également des outils de monitoring du web.

Trensboard, autre logiciel qui permet, à travers une technologie sémantique, d'analyser les communautés des réseaux sociaux est présent dans une vingtaine de rédactions, a expliqué à Metz son cofondateur Benoît Raphaël.

À Rue89, un tiers des internautes proviennent de Facebook ou Twitter, a expliqué à l'AFP son fondateur Pierre Haski.

«Facebook est largement majoritaire par rapport à Twitter et tous les autres réseaux sociaux sont minoritaires», explique-t-il, relevant que l'amélioration de l'application mobile de Facebook avait fait augmenter le trafic issu des téléphones intelligents.

De son côté, Michaël Szadkowski, en charge des réseaux sociaux au Monde entre 2011 et 2014, indique à l'AFP que 4,4% du trafic total des visites (76 millions en septembre, selon l'OJD, précise-t-il) proviennent des réseaux sociaux.

«Quand j'avais commencé en tant que responsable des réseaux sociaux, en 2011, on était autour de 3%. C'est très peu en pourcentage, mais ça fait du volume et ça correspond à notre lectorat», analyse-t-il, avant de rappeler qu'une part importante des internautes viennent directement en tapant l'adresse du site car «on a une marque éditoriale qui est très forte».