Trois ans après avoir chamboulé l'industrie de la musique aux États-Unis, six ans après sa fondation, Spotify fait son entrée officielle au Canada ce matin.

Le service suédois de diffusion musicale en continu, le premier du genre, permet l'accès à plus de 20 millions de titres. Les chansons sont en outre organisées en thèmes ou en stations de radio virtuelles, concoctées par des experts de Spotify. L'utilisateur peut également se promener dans le 1,5 milliard de listes musicales dressées par les autres abonnés.

«Ce n'est pas qu'un catalogue: vous avez accès à toute l'interaction d'un réseau qui compte 40 millions d'usagers, dit en entrevue Andres Sehr, directeur du marketing de Spotify. C'est ce qui rend notre service si spécial. Les gens écoutent de la musique de différentes façons: certains mettent la radio, d'autres vont au magasin. Nous pouvons offrir les deux.»

L'inscription est gratuite, avec certaines contraintes. Pour pouvoir télécharger les chansons sur son appareil mobile et se débarrasser des publicités, il faut s'abonner au coût de 10$ par mois.

Une question de droits

Depuis la fin d'août, Spotify offrait aux Canadiens la possibilité de s'inscrire sur invitation. La stratégie a l'avantage de titiller le public, de «créer un buzz», reconnaît le directeur du marketing. «C'est une approche que nous avons depuis des années, nous l'avons fait au départ en Suède. Il s'agit d'une façon de s'assurer que tout fonctionne bien, à un rythme qu'on peut contrôler.»

Pourquoi avoir attendu si longtemps pour arriver au Canada? M. Sehr répond pudiquement que Spotify ne veut pas s'aventurer dans un pays si la question des droits d'auteur n'est pas réglée. Ce n'est qu'en mai dernier que la Commission du droit d'auteur du Canada a établi les redevances que doivent verser les services de streaming. Ainsi, 1000 écoutes des oeuvres d'un musicien lui rapporteront 10,2 cents. «Nous versons 70% de nos revenus aux artistes», assure le directeur.

Outre les considérations juridiques, Spotify tenait à offrir aux Canadiens, notamment aux Québécois, un contenu qui leur soit spécifique, ajoute-t-il. «Nous comprenons que vous, au Québec, avez une culture unique. Nous voulions que notre catalogue soit à jour, nous avons travaillé avec des compagnies de chez vous, comme Audiogram. Quand nous nous lançons dans un pays, nous voulons offrir la meilleure expérience locale.»

Pour une musique «démocratique»

Difficile effectivement de prendre Spotify en défaut en ce qui concerne la musique québécoise. Tout artiste le moindrement mainstream figure à son catalogue. Le grand connaisseur notera quelques oublis ici et là, des albums manquants de Beau Dommage ou de Richard Desjardins, mais se réjouira de trouver tous ceux d'Ariane Moffatt et même de Dany Placard.

On comprend mieux que les quelque 450 services de streaming dans le monde accaparent aujourd'hui plus du quart du marché de la musique numérique. Mais cette surabondance d'offre ne risque-t-elle pas de banaliser la musique? N'y a-t-il pas un risque de lassitude? Andres Sehr répond sans se défiler. «Vingt millions de chansons, c'est trop, personne ne peut écouter toute cette musique. Il faut prendre cette musique et la présenter de façon à s'y retrouver. Nous avons des sections Découvertes, de la musique pour s'entraîner, pour rouler en voiture, selon votre besoin ou votre humeur. Nous avons tout ça.»

Spotify, assure-t-il, a toujours la même philosophie qu'à sa naissance: permettre la démocratisation de la musique. «Nous voulons qu'elle soit accessible à tous, où que vous soyez, peu importe vos moyens.»

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SPOTIFY EN QUELQUES CHIFFRES

> 20 millions de chansons, 20 000 ajoutées chaque jour

> Disponible dans 58 pays

> 10 millions d'abonnés payants, pour 40 millions d'utilisateurs.

> 5 millions de listes d'usagers créées chaque jour

> La chanson la plus écoutée: Wake Me Up, d'Avicii, écoutée 235 millions de fois

> Spotify affirme avoir redonné 1 milliard aux artistes depuis 2008