Le gouvernement islamo-conservateur turc a déposé un texte de loi destiné à renforcer un peu plus ses pouvoirs administratifs de contrôle d'internet, nouvelle étape du bras de fer engagé par le régime d'Ankara avec les utilisateurs des réseaux sociaux.

Introduite par le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) dans un projet de loi fourre-tout, cette nouvelle disposition autorise l'autorité de régulation des télécommunications (TIB) à interdire, sans décision de justice, l'accès à un site afin de «protéger la sécurité nationale et l'ordre public ou empêcher un crime».

Selon ce texte dont l'AFP a obtenu une copie, le fournisseur d'accès devra exécuter l'ordre de blocage de la TIB, ou retirer le contenu mis en cause, dans les quatre heures.

En plein scandale de corruption visant le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, élu président en août, le Parlement turc avait déjà adopté en février une loi controversée permettant au pouvoir politique de bloquer un site, mais à la condition d'obtenir confirmation sous deux jours par une décision de justice.

Le nouveau texte déposé lundi au Parlement permet également à la TIB de surveiller les activités des internautes sur le web et de stocker elle-même, pendant deux ans, toute information utile à ce sujet.

La loi de février n'autorisait ce stockage que par les fournisseurs d'accès et la TIB ne pouvait en obtenir une copie que sur décision de justice.

Comme celui adopté en février, ce nouveau projet de loi a suscité de vives critiques.

«Le président (de la TIB), qui n'a aucune responsabilité juridique, peut fermer n'importe quel site qu'il n'apprécierait pas simplement prétendant qu'il menace l'ordre public», a protesté sur son compte Twitter Kerem Altiparmak, un expert en nouvelles technologies qui enseigne à l'université d'Ankara.

Ces nouvelles mesures interviennent une semaine après la tenue à Istanbul d'un forum sur la gouvernance d'internet organisé par l'ONU, au cours duquel de nombreux intervenants ont dénoncé les pratiques «liberticides» d'Ankara en la matière.

Pour faire taire les accusations de corruption lancées contre lui à la veille des élections municipales de mars, M. Erdogan avait ordonné le blocage de Twitter et YouTube, suscitant un tollé dans l'opposition, la société civile et à l'étranger. Il avait été contraint de le lever quelques semaines plus tard sur ordre de la Cour constitutionnelle.

Dernière mesure en date, la TIB a bloqué samedi l'accès en Turquie à une plateforme de publication qui avait diffusé un magazine suédois, dont la couverture reproduisant la photo d'un conseiller de M. Erdogan en train de frapper à terre un manifestant.