De la Silicon Valley au Japon en passant par le Brésil ou Gaza, Frédéric Martel décrit dans son livre Smart, à travers une longue enquête de terrain, les différents usages d'internet dans le monde et comment, face au web global et uniformisé, se dessine une autre géopolitique du web.

Dans Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, paru en 2010 chez Flammarion, le chercheur et journaliste analysait comment, face à une Amérique dominatrice, l'Inde, avec ses 1,2 milliard d'habitants et son industrie florissante de Bollywood, mais aussi le Brésil, le Moyen-Orient ou la Chine menaient une guerre féroce pour la mainmise sur la culture populaire à l'échelle de la planète.

Ce nouveau livre-enquête de Frédéric Martel publié mercredi se veut un prolongement naturel consacré à l'univers du numérique. Avec la même méthodologie: des centaines d'entretiens dans une cinquantaine de pays durant plusieurs années.

«Beaucoup de gens disent 'internet, on peut tout en voir depuis son ordinateur, il y a beaucoup de données quantitatives'. Moi, j'ai pris le parti inverse du terrain parce qu'on ne voit pas ces singularités et ces différences si on ne va pas sur place», explique à l'AFP ce docteur en sociologie (EHESS).

 Le web est partout différent 

En réponse aux théories avancées par les «patrons du web américain, comme celui de Google», qui expliquent «qu'il n'y a plus de frontière, que les différences vont s'estomper» ou «ceux qui, comme Alain Finkielkraut et beaucoup d'autres critiquent le web parce qu'ils ont peur de la mondialisation», Frédéric Martel oppose ses constatations sur le terrain, où il ne voit «ni l'un ni l'autre».

«En réalité, partout les frontières demeurent, partout, les frontières sont différentes, le web est très fragmenté. Au fond, le web est partout différent», résume-t-il.

Cette autre géopolitique d'internet se dessine déjà, soutient ce spécialiste des États-Unis. Dans son livre, il montre à travers des exemples sur les cinq continents que, si les outils sont globaux, les contenus ne le sont pas. «Il n'y a pas d'internet global et il n'y en aura jamais».

Par exemple, dans son chapitre sur le monde arabe, Frédéric Martel montre comment internet est utilisé par Hezbollah et le Hamas, en les suivant au Liban et à Gaza, et, en même temps, comment les féministes et les homosexuels sont aussi sur internet.

«Au fond, ça montre cette double facette. Internet, c'est un outil qui n'est ni bon ni mauvais en soi, tout dépend de ce que nous en ferons», conclut l'auteur, qui a déjà signé pour des traductions en cinq langues (italien, espagnol, portugais, chinois et taïwanais).