Produit de l'émotion suscitée par l'affaire d'espionnage américain révélée par Edward Snowden, mais aussi d'une volonté d'établir une gouvernance «ouverte» d'internet, le sommet NETmundial au Brésil vise à redéfinir les contours de la régulation du réseau mondial, aujourd'hui de facto sous la tutelle des États-Unis.

Initié par la présidente brésilienne Dilma Rousseff, ce sommet inédit --mercredi et jeudi à Sao Paulo-- est présenté comme un «événement global et multi-acteurs sur le futur de la gouvernance Internet».

Alors que le web vient de fêter ses 25 ans, ce NETmundial a deux objectifs : tenter d'établir des principes de gouvernance mondiale de la toile et définir une feuille de route pour faire évoluer les mécanismes régulant les infrastructures et les usages d'internet.

Les résolutions issues de ce sommet ne seront pas contraignantes mais l'enjeu consistera à chercher un consensus entre pays victimes de l'espionnage de la NSA américaine (Brésil, Allemagne, Mexique...), Etats contrôlant accès et contenu internet (Chine, Cuba) et acteurs privés (Google) jalousant leur liberté.

«Il y aura peut-être des points de tension lors de ce sommet», notamment quant au rôle que devront jouer les Etats dans l'administration d'internet, explique à l'AFP Virgilio Almeida, président de NETmundial.

Pour les Brésiliens en tout cas, l'objectif est clair : s'affranchir de la mainmise américaine - effective ou symbolique - sur les instances de régulation d'internet.

Les débats risquent d'être animés à Sao Paulo, faisant même redouter à certains une tribune anti-américaine.

Car les révélations l'an dernier de l'ex-consultant de la NSA Edward Snowden sur la surveillance de certains dirigeants par des agences de renseignement américaines ont déclenché la colère de plusieurs gouvernements - Brésil et Allemagne en tête - et alimenté les craintes de manipulation d'internet au profit des Américains.

Attribution de noms de domaines, hébergement de serveurs et de réseaux de connexions : les États-Unis jouent en effet un rôle central sur la gouvernance d'internet.

«Notre critique est liée au fait que l'internet est dépendante des États-Unis, les serveurs racines (du DNS pour l'attribution des noms de domaines de sites ou serveurs) sont tous dans l'hémisphère nord (USA-9, Japon-1, Europe-3)», expliquait récemment le ministre brésilien de la Communication Paulo Bernardo, appelant de ses voeux des solutions dans l'hémisphère sud.

L'ICANN au coeur des débats

Après les révélations de M. Snowden, Dilma Rousseff avait ainsi proposé un contrôle multilatéral de l'utilisation d'internet devant l'Assemblée générale de l'ONU en septembre 2013.

Dans un projet de résolution qui sera soumis aux gouvernements, associations et organisations diverses de 87 pays participant au NETmundial, les organisateurs indiquent que la «gouvernance doit être ouverte, participative, multipartite, technologiquement neutre, sensible aux droits de l'homme et fondée sur des principes de transparence, de responsabilité».

Exposé aux critiques, Washington a déjà annoncé le mois dernier être disposé à lâcher du lest.

Le gouvernement américain, qui a confirmé l'envoi d'une délégation à Sao Paulo, a indiqué qu'il était prêt à abandonner au profit d'une gouvernance mondiale son rôle dans la supervision de l'Icann, un organisme fondamental de l'Internet.

Créé en 1998, l'«Internet Corporation for Assigned Names and Numbers» délivre les noms de domaine sur internet, comme .com ou .gov. Il a son siège en Californie et relève à ce titre, en dernière instance, du département du Commerce américain.

L'Icann elle-même et un certain nombre de pays regrettent que cette institution soit perçue comme une entité occidentale et souhaitent un contrôle multilatéral. Sa transition vers un nouveau statut est déjà engagée avec janvier 2015 comme échéance.

Pour le président de l'Icann Fadi Chehadé, la responsabilité des gouvernants devra être limitée. Le mois dernier à Singapour, il a prévenu que son organisme excluait d'ores et déjà de confier «une part importante de (sa) mission à un gouvernement, un groupe de gouvernements ou une organisation inter-gouvernementale».

Concernant l'enjeu de la confidentialité proprement dite, principal cheval de bataille du Brésil depuis l'affaire Snowden, Brasilia a pris les devants au plan national en adoptant fin mars une loi qui garantit «la protection de la confidentialité de l'usager contre toute violation ou utilisation indue des données des internautes brésiliens».

«Après ce qu'il s'est passé avec Snowden, il s'est produit un changement dans la perception d'internet par le grand public et la nécessité d'un changement est apparue», souligne le ministre brésilien Paulo Bernardo.