Weibo, le «Twitter chinois», doit faire cette semaine une entrée très attendue à la Bourse de New York, dans un contexte morose après plusieurs semaines de glissade des valeurs technologiques et les succès mitigés des dernières introductions.

C'est ce jeudi que le réseau de microblogues, contrôlé aux trois quarts par le géant de l'internet chinois Sina Corp., fera ses premier pas sur la plateforme électronique Nasdaq, a indiqué à l'AFP un responsable de Sina basé à Pékin.

Lancé en août 2009 et alliant services de microblogues et fonctionnalités de réseautage sur le modèle de Twitter, Weibo a connu un succès fulgurant en Chine, où son rival américain n'a pas droit de cité, et revendiquait en décembre 129,1 millions d'utilisateurs actifs.

Selon une fourchette de prix dévoilée début avril, Weibo espère lever à Wall Street entre 340 et 437 millions de dollars, revoyant en nette baisse l'objectif plus ambitieux de 500 millions qui figurait mi-mars dans son projet initial.

Le groupe se prépare à offrir 20 millions de titres, pour un prix unitaire compris entre 17 et 19 dollars, et prévoit en cas de forte demande une option de surallocation portant sur 3 millions d'actions supplémentaires.

La prudence accrue de Weibo reflète un environnement boursier maussade, alors que l'indice Nasdaq vient d'accuser sa troisième semaine consécutive de baisse.

La possibilité d'un report

«Il est évidemment beaucoup plus risqué d'entrer aujourd'hui (sur la Bourse) qu'il y a trois semaines», a indiqué à l'AFP Gregori Volokhine, gérant de fonds à Meeschaert Financial Services.

Selon lui, si les résultats trimestriels de géants américains de l'internet, Yahoo! mardi et Google mercredi, déçoivent le marché, il n'est pas exclu que Weibo repousse son introduction: «Personne ne le leur reprocherait».

De fait, sur 16 introductions boursières prévues tous secteurs confondus à New York la semaine dernière, seulement 10 ont été concrétisées, selon le cabinet spécialisé Renaissance Capital.

«Parmi les entreprises qui se sont quand même lancées, six ont terminé la semaine en dessous de leur prix d'introduction», a-t-il relevé.

D'après des données du cabinet Dealogic, 20 entreprises technologiques ou internet ont été introduites depuis le début de l'année sur le marché américain, mais avec des succès très mitigés.

King Digital Entertainment, éditeur du populaire jeu vidéo Candy Crush, a ainsi réussi à lever 500 millions de dollars fin mars, mais a plongé de 9% dès sa première séance et peine depuis à remonter la pente.

Interrogations sur la rentabilité

Les objectifs de valorisation affichés par Weibo apparaissent cependant très modestes par rapport à la capitalisation des mastodontes occidentaux du secteur, de Facebook à Twitter --et face aux 15 milliards de dollars que le géant chinois du commerce électronique Alibaba ambitionne d'engranger en s'introduisant à Wall Street.

Il y a aux États-Unis «un rabais par rapport aux entreprises chinoises, vu qu'elles ne publient pas leurs comptes de façon particulièrement transparente», a reconnu Gregori Volokhine.

Après un pic de 39 introductions d'entreprises chinoises sur la place new-yorkaise en 2010, leur nombre s'est singulièrement réduit, tombant en 2012 à seulement deux opérations, alors que des accusations de fraudes comptables suscitaient une vague de défiance et des retraits de cote forcés.

Avec Weibo, les investisseurs américains pourraient certes être appâtés par l'opportunité d'accéder à un marché chinois de 600 millions d'internautes... mais de l'avis des experts, ils s'interrogeront aussi sur ses perspectives de développement et de rentabilité.

Alors que Weibo a presque triplé son chiffre d'affaires l'an dernier, à 188 millions de dollars, il doit faire face à un durcissement de la censure sur internet de la part des autorités et à une concurrence accrue qui érode sa base d'utilisateurs.

Il pâtit notamment de l'essor de l'application de messagerie téléphonique WeChat du groupe Tencent --forte de plus de 300 millions d'utilisateurs-- qui propose des fonctionnalités très semblables.

Alors que Weibo se targue d'avoir plus de 60 millions d'utilisateurs actifs chaque jour, des experts avancent des estimations très inférieures.

Fu King-wa, assistant professeur de l'University of Hong Kong, juge ainsi que neuf messages sur dix sur Weibo proviennent d'un groupe restreint de 10 millions d'utilisateurs, a rapporté la semaine dernière le South China Morning Post.

Après l'entrée en Bourse de Weibo, sa maison-mère Sina devrait conserver 56,9% du capital, et Alibaba, qui avait pris l'an dernier une participation de 18% dans Weibo, compte exercer à cette occasion une option pour porter sa participation à 30%.