La ville de Paris a dévoilé vendredi la liste des 98 premiers sites web dotés de l'extension .paris, qui seront opérationnels à partir de mai, avant une ouverture à tous les Parisiens prévue à la fin de l'année.

L'annonce a eu lieu lors de la signature d'un contrat avec l'Icann, le régulateur mondial d'internet chargé de valider les noms de domaines, organisée dans les locaux de l'incubateur de start-up Numa, mettant fin à un processus entamé en juin 2008 qui offre une alternative aux .fr ou .com traditionnels.

«Cette extension, vitrine de l'innovation parisienne, a valeur de symbole, là, on ouvre un nouveau cycle», s'est réjoui Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l'innovation, qui a présidé le jury chargé de faire le tri des 310 candidatures reçues selon l'originalité, l'intérêt et l'apport économique de chaque projet.

À un lancement généralisé du .paris, la Ville de Paris a préféré privilégier des «pionniers», chargés d'explorer à partir du mois de mai «ce nouveau territoire numérique, sorte d'espace vierge où tout est à créer».

Parmi les lauréats figurent des entreprises comme Citroën, Delsey ou Fauchon, des institutions comme la tour Eiffel et le Grand Palais, des start-up à l'instar d'Ulule et Five by Five et des associations telles que l'Ordre des avocats de Paris et le Don du sang.

«Nous n'avons pas voulu en faire un Far West digital dans lequel les premiers arrivants ou les plus offrants seraient les premiers servis», a expliqué M. Missika, fustigeant «l'occupation choquante de noms de domaine et le tort que cela fait à certaines villes, associations ou même villes».

«Ce que Paris a fait avec le .paris est vraiment une innovation que tout le monde est en train de regarder», a souligné pour sa part Fadi Chehadé, président de l'Icann.

«C'est un moment historique dans la petite histoire du cyberespace», a-t-il indiqué, assurant avoir été contacté récemment par les maires de Rio et de Tokyo, qui auraient exprimés leur intérêt pour le projet parisien.

M. Chehadé a révélé avoir proposé lors d'une entrevue avec le maire de Paris que soit organisée dans la capitale française une conférence, sous l'égide de l'Icann, à destination de tous les maires du monde «pour démontrer le succès du .paris».

«Atteindre un consensus sur un modèle de gouvernance globale»

De passage à Paris pour le lancement de l'extension .paris, Fadi Chehadé le président de l'Icann, régulateur mondial des noms de domaine sur le Web, a expliqué à l'AFP son souhait d'«atteindre un consensus sur un modèle de gouvernance globale de l'Internet».

Question: Plusieurs gouvernements et même l'Union européenne réclament une gouvernance internationale de l'Internet, quelle est votre position?

Réponse: «C'est une question très délicate. Il faut regarder ce qui marche. Le fait est que la gestion de l'aspect technique de l'Internet depuis les débuts de l'Icann, il y a plus de quinze ans, n'a jamais été interrompue une seule micro-seconde. Cette stabilité est importante car l'économie du monde est de plus en plus digitale et toute interruption serait problématique.

Dans le même temps, l'Icann, qui a commencé son existence aux États-Unis et qui est encore vue comme une institution occidentale, doit se globaliser. Cette transformation prendra du temps mais nous devons avoir une présence légale internationale en parallèle à notre présence aux États-Unis et dans d'autres pays. On n'a pas besoin d'une grande institution centralisée, mais de réseaux dynamiques de gouvernance. L'Icann ne veut pas devenir une institution plus grande, d'ailleurs elle l'est déjà un peu trop. Elle doit rester dans sa mission».

Q: Qu'attendez-vous de la conférence internationale sur l'Internet organisée au Brésil les 23 et 24 avril prochains?

R: «C'est la première conférence au monde pour la gouvernance de l'Internet qui n'est pas organisée par l'ONU, pour les seuls gouvernements. Je salue la vision de la présidente Rousseff qui a souhaité discuter avec toutes les parties prenantes. On espère atteindre un consensus sur un modèle de gouvernance globale de l'Internet s'inspirant de ce qu'on fait sur le plan technique aujourd'hui mais en l'étendant aux autres couches de l'Internet.

Ce système doit réunir trois qualités: être efficace, avec un temps de réponse adapté à la vitesse de l'Internet, légitime, de par la mise en place de mécanismes de surveillance nous responsabilisant, et flexible, parce que les problèmes d'aujourd'hui ne sont pas ceux de demain».

Q: Quelle menace pesant sur l'Internet vous inquiète le plus?

R: «La fragmentation, parce que le plus grand danger est que des acteurs majeurs d'Internet décident de le diviser pour avoir plus de contrôle (référence notamment à des régimes comme la Chine et la Russie qui pourraient être tentés de s'émanciper du réseau mondial, NDLR). C'est pour ça qu'il faut renforcer la légitimité du modèle ouvert, où aucun acteur n'a un contrôle particulier. Comme cela, on réduit la tentation de fragmenter.

Il y a tellement de choses qui nous divisent déjà comme les religions, les cultures même si je les respecte. Mais je ne veux pas perdre la possibilité d'avoir une ressource qui nous unisse dans un monde de plus en plus divisé. C'est pour ça que trouver une relation symbiotique entre ce qui est national et ce qui est global est si important».

- Propos recueillis par Septime MEUNIER