Lycéen fluet et réservé de 18 ans, Cheon Joon-Sahng ne ferait pas de mal à une mouche: c'est pourtant un redoutable tueur de «vers» - quand il s'agit de virus informatiques -, recruté dans l'élite des cyber-soldats pour défendre la Corée du Sud contre le Nord.

Cheon est l'un des 60 jeunes prodiges de l'informatique sélectionnés en juillet 2012 pour recevoir une formation de pointe en analyse de vulnérabilité, informatique légale (digital forensics) et sécurité d'informatique en nuage (cloud-computing).

Fin décembre, ils n'étaient plus que 20 aspirants «Rambos des réseaux» à suivre un cours de perfectionnement en conflit cybernétique. Au bout du circuit, Cheon fut l'un des six candidats d'excellence honorés en mars lors d'une cérémonie à l'Institut de recherche des technologies de l'information (KITRI) à Séoul.

Ce nouveau cursus a été créé pour répondre à la volonté des autorités sud-coréennes de renforcer leurs défenses numériques après deux cyberattaques d'envergure attribuées à la Corée du Nord en 2009 et 2011.

À chaque fois, des administrations publiques et des institutions financières ont été ciblées, leurs réseaux mis provisoirement hors d'état. Dans le cas d'une banque, des millions de clients ont été incapables d'utiliser leurs cartes bancaires ou de retirer des espèces aux distributeurs automatiques pendant une semaine.

Retour à l'envoyeur la semaine dernière lorsque Pyongyang a accusé les États-Unis et la Corée du Sud de cyberattaques «prolongées et intensives» contre plusieurs sites officiels du régime nord-coréen, dont ceux de l'agence de presse Korean Central News Agency (KCNA) et de la compagnie Air Koryo.

«Une cyberguerre intercoréenne fait d'ores et déjà rage», assure Lee Seung-Jin, un consultant informatique chargé de formation au KITRI.

Cheon et ses camarades de promotion n'ont aucune obligation d'intégrer les cybercommandos de l'armée sud-coréenne.

Dans l'immédiat, sa mission consiste à décrocher une place à l'université. Une fois diplômé, il devra choisir entre le secteur privé ou le commandement informatique de l'armée.

«Ironiquement, ce sont les cyberattaques nord-coréennes qui ont nourri l'intérêt et les investissements dans la sécurité informatique dans mon pays», explique-t-il.

L'armée sud-coréenne a créé un commandement informatique spécial en 2010. Avec la Korea University de Séoul, elle a également mis sur pied une école de guerre cybernétique qui forme 30 étudiants par an.

En apparence, le Sud et le Nord, qui restent techniquement en guerre faute d'avoir signé un traité de paix à la fin de la guerre de Corée (1950-53), ne jouent pas dans la même cour en matière de savoir-faire informatique et numérique.

Les réseaux mobiles sud-coréens sont parmi les plus étendus au monde, les vitesses de transmission parmi les plus élevées et le fabricant d'appareils mobiles multifonctions Samsung domine le marché mondial.

La Corée du Nord, de son côté, État reclus depuis plus de six décennies, dispose d'un modeste intranet donnant accès à des informations filtrées par la propagande. Seule une poignée de Nord-Coréens, parmi l'élite du régime, a accès à l'internet sans restriction.

«Ca ressemble à une guerre assymétrique» opposant deux armées aux moyens et techniques sans rapport les unes avec les autres, explique le chef du centre de formation du KITRI, Choi Yun-Seong.

Mais selon le gouvernement, la Corée du Sud a subi 40 000 cyberattaques de l'extérieur ou de l'intérieur en 2012, contre 24 000 en 2008.

«La Corée du Sud est une superpuissance informatique avec une excellente infrastructure, elle reste toutefois relativement vulnérable au piratage», souligne Park Soon-Tai, responsable des opérations anti-hacking à l'Agence sud-coréenne de sécurité internet, un organisme d'État.