Non, la catastrophe annoncée par les petits fournisseurs d'accès à l'internet n'a pas eu lieu. Mais ceux-ci redoutent toujours la nouvelle tarification à la vitesse qu'ils commenceront à payer à Bell pour avoir accès à son réseau internet.

Dans une décision rendue jeudi dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a fixé les nouveaux tarifs maximums auxquels les grands conglomérats doivent donner accès à leurs réseaux aux petits fournisseurs, qui desservent 6% des clients au pays.

La plupart des petits fournisseurs sont rattachés au réseau de Bell. Certains tarifs maximums ont été augmentés, d'autres réduits, mais les petits fournisseurs digèrent mal les hausses des tarifs par abonné chez Bell (de 0% à 3,1% selon la vitesse). En contrepartie, le tarif selon la vitesse chez Bell a été réduit de 53,2%.

«Ce système de facturation va pénaliser les nouvelles technologies comme Netflix et Apple TV qui consomment beaucoup de bande passante, dit Jean-Philippe Béique, pdg d'Electronicbox, qui a plus de 15 000 clients au Québec. Avant, les clients qui consommaient moins subventionnaient un peu les gros consommateurs, mais ça ne sera bientôt plus possible et les tarifs pourraient être haussés.»

La décision du CRTC met un terme à une saga réglementaire de trois ans ayant notamment attiré l'attention du gouvernement Harper, qui s'opposait à ce que Bell puisse faire payer les petits fournisseurs selon l'utilisation de leurs clients, au même titre que Bell le fait déjà avec ses propres clients.

Devant l'opposition du gouvernement Harper, le CRTC a plutôt décidé en novembre 2011 de permettre à Bell de faire payer les petits fournisseurs selon la quantité de bande passante de l'ensemble des clients (au lieu de faire payer selon la bande passante de chaque client).

À l'époque, les petits fournisseurs avaient prédit des hausses de prix en raison de la tarification par la vitesse. Seize mois plus tard, leurs prix n'ont presque pas bougé.

Electronicbox vend toujours son forfait 6 Mbps à 30,95$ par mois, tandis que le forfait principal de ColbaNet est toujours à 24,95$ par mois à prix régulier (comparaison: 31,95$ chez Vidéotron et 38,95$ chez Bell à prix régulier).

«Les prix n'ont pas changé, mais les limites d'utilisation, oui. L'effet se fera bientôt sentir alors que les gens consommeront plus de bande passante [notamment avec Netflix]», dit Jean-Philippe Béique, PDG d'Electronicbox.

Les câblodistributeurs comme Vidéotron et Rogers peuvent faire payer les petits fournisseurs selon la vitesse d'accès depuis 2000. Le CRTC a augmenté jeudi le tarif maximum selon la vitesse de 11,9% chez Rogers et de 7,5% chez Vidéotron. Ces modifications reflètent les véritables frais d'exploitation des réseaux.

«Le CRTC tente depuis des années d'offrir un environnement où il y a davantage de concurrence entre Bell et les câblodistributeurs, mais ils augmentent le prix d'accès aux câblos», dit Bill Sandiford, président du Consortium des opérateurs de réseaux canadiens, un organisme représentant une trentaine de petits fournisseurs, qui a salué la décision du CRTC d'instaurer un seul tarif maximal pour les entreprises et les consommateurs.

«Les prix pour les entreprises devraient ainsi diminuer», dit-il.

Vidéotron a indiqué que les décisions du CRTC amèneraient une «période de stabilité dans ces liens d'affaires», tandis que Bell « continuait d'évaluer les impacts» de cet «ensemble complexe de décisions».