La Chine a beau démentir haut et fort les accusations de piratage informatique de plus en plus précises à son encontre, elle reste fortement soupçonnée d'avoir développé une force de frappe spécialisée dans l'espionnage numérique, estiment des experts.

«Aucun pays ne va se mettre à pleurer et à avouer quand il est accusé d'espionnage, donc il est légitime de ne pas tenir compte des démentis (de la Chine)», affirme James Lewis, expert au Center for Strategic and International Studies (CSIS) basé à Washington.

«Beaucoup de pays ont rejoint le constat des États-Unis et pensent que la Chine joue désormais un rôle central dans le cyber-espionnage, ce qui est en passe de devenir un problème international majeur», ajoute-t-il. «Prétendre être également une victime n'y changera rien».

Le gouvernement à Pékin et la presse officielle chinoise ont déroulé ces derniers jours leur rhétorique habituelle pour contester un rapport de 74 pages publié cette semaine par une entreprise de sécurité américaine affirmant que l'Armée populaire de libération contrôle des centaines, voire des milliers de pirates parmi les plus virulents du monde.

Le rapport de Mandiant, -- l'un des conseils du gouvernement américain en matière de sécurité informatique --, s'est notamment arrêté sur un groupe, du nom de «APT1», initiales de «Advanced Persistent Threat», qui aurait volé d'énormes quantités d'informations et ciblé des infrastructures aussi importantes que les activités énergétiques américaines.

Les signatures de ses cyber-attaques ont pu être pistées jusqu'à un immeuble de 12 étages, dans les faubourgs de Shanghai, selon le rapport. La sécurité autour de cet édifice a été renforcée cette semaine, la police interdisant aux journalistes de photographier les lieux.

La Chine a depuis maintes fois rejeté catégoriquement ce rapport, qualifiant les accusations d'«infondées» et affirmant qu'elle était elle aussi victime de «nombreuses cyber-attaques», en grande partie en provenance des États-Unis.

Les États-Unis ont «une capacité sans égale au monde à inventer des cyber-attaques», avait grincé de son côté l'agence de presse Chine nouvelle, dans un commentaire virulent à l'encontre de l'entreprise de sécurité américaine.

La plupart des gouvernements conduisent probablement des missions militaires d'espionnage dans le cyber-espace, pour collecter des informations notamment utiles en cas de conflit armé, mais la Chine a dépassé ces limites en volant des informations commerciales, a estimé James Lewis, qui dirige le programme dédié aux technologies au sein du CSIS.

«Le volet économique de cette affaire d'espionnage est le plus troublant, car il révèle que la Chine se joue des règles du système international», a-t-il précisé.

La rhétorique de l'État chinois «n'est franchement pas le genre de réponse que l'on attend d'une grande puissance impliquée dans des actions de coopération pour la cyber-sécurité», a estimé de son côté Sarah McKune, chercheuse à la Munk School of Global Affairs de l'université de Toronto.

«Tous les pays du monde ont pu être victimes de cyber-criminalité et ni la Chine ni les États-Unis ne font figure d'exception», a-t-elle ajouté.

Selon Sarah McKune, Pékin serait plus convaincant en répondant aux accusations au lieu de se poser en victime. «Le rapport de Mandiant comporte des affirmations très précises qui exigent une vraie réponse».

James Lewis a par ailleurs réfuté l'argument de l'absence de définition légale internationale du piratage, avancé par le ministère chinois de la Défense cette semaine, s'appuyant sur des documents des Nations unies, de l'Organisation mondiale du Commerce et de la Convention sur la Cyber-criminalité du Conseil de l'Europe, signée par plus de 40 pays, la «norme mondiale» selon lui, mais non ratifiée par la Chine.