Lorsque Dominique Jodoin a appris que des étudiants de l'UQAM avaient mis au point un bidule censé révolutionner la gestion de l'information sur l'internet, il a voulu voir la chose de ses yeux.

Peu de temps après, ce vieux routier de l'industrie techno lâchait tout pour prendre la barre de Noviflow, la petite firme lancée pour commercialiser l'invention.

«On pense que le mot révolution n'est pas trop fort, dit M. Jodoin, qui a notamment travaillé 17 ans chez Ericsson et piloté plusieurs autres entreprises en démarrage. Ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance de sauter dans un tel bateau.»

»Près de 100 ans d'expérience»

Pour une entreprise qui émerge à peine d'un labo universitaire, voir débarquer un homme d'expérience comme M. Jodoin est habituellement un signe de confiance. Ce qui est intéressant dans le cas de Noviflow, c'est que la scène s'est répétée. Et trois fois plutôt qu'une.

Quelques mois après l'arrivée de Dominique Jodoin, trois autres vétérans de l'industrie des télécommunications et des technologies de l'information, Luc Mayrand, Marc Leclerc et Jesper Eriksson, ont aussi abandonné leurs carrières pour se joindre à Noviflow.

«À nous quatre, on a près de 100 ans d'expérience dans l'industrie», lance Dominique Jodoin avec le sourire.

Ce qui a attiré les trois hommes ici est une boîte noire un peu plus grosse qu'un vieux lecteur VHS et criblée de prises pour y insérer des câbles internet. Il s'agit d'un commutateur Ethernet, un composant qui joue un peu le rôle d'un agent de circulation sur l'internet en y dirigeant les flux d'information.

«Mécanisme SDN», «norme OpenFlow», «flux est-ouest»: dans leur enthousiasme, les dirigeants de NoviFlow auront vite fait de vous perdre lorsqu'ils expliquent pourquoi leur appareil va bientôt casser la baraque et conquérir le monde.

L'infonuagique

Pour simplifier, on peut dire que l'invention de Noviflow s'inscrit dans l'infonuagique, cette tendance qui pousse les entreprises et les individus à stocker et traiter leurs informations sur des serveurs souvent situés à des milliers de kilomètres d'eux.

L'une des conséquences de l'infonuagique est que les centres de données exploités par les Google, Amazon et autres Facebook de ce monde sont aujourd'hui extrêmement sollicités.

«On demande à ces équipements de faire des choses pour lesquelles ils n'ont pas été conçus», résume M. Jodoin.

Jusqu'à tout récemment, il était bien difficile d'y changer quoi que ce soit. Les équipementiers comme Cisco et Juniper avaient un contrôle à peu près total sur les technologies des centres de données, et bien malin qui voulait y pousser les siennes.

Selon Dominique Jodoin, les géants comme Google ont milité pour que ça change, et l'industrie a adopté des normes plus ouvertes. Noviflow veut maintenant profiter de cette ouverture pour faire entrer son commutateur à haut débit dans les grands centres de serveurs afin de mieux gérer les flux d'informations qui y circulent.

Réputation internationale

La petite boîte montréalaise est apparue récemment sur le radar des publications spécialisées, qui l'ont incluse dans leurs palmarès des entreprises à surveiller en 2013.

«On est au moins 12 mois en avance sur la concurrence, prétend Dominique Jodoin. Si on joue bien nos cartes, on pense qu'on peut aller chercher une belle part d'un marché de 40 milliards qui est en pleine croissance.»

Noviflow veut vendre aux Google, Facebook et autres Amazon, mais croit que sa technologie peut aussi intéresser les exploitants de réseaux comme Bell et Vidéotron au Québec ou AT&T et Verizon aux États-Unis.

L'entreprise compte déjà des clients et affirme être en discussion avec un grand nombre d'acteurs mondiaux.

Capital additionnel recherché

Mais la techno est un monde où il faut avancer rapidement sous peine de se faire doubler par un concurrent. Noviflow cherche donc actuellement du capital additionnel pour se bâtir une force de vente et grossir son équipe de développement.

«On parle à des financiers à Boston, en Californie et ici, au Canada», révèle M. Jodoin.

Fait cocasse, les 10 employés sont aujourd'hui hébergés dans un laboratoire de biologie de l'UQAM muni de hottes et visiblement mal adapté à une entreprise d'électronique.

Des regrets d'avoir tout laissé pour se retrouver dans un tel bateau, M. Jodoin?

«Est-ce qu'on a l'air de s'ennuyer? répond le président. On est au centre de la tempête, on est les premiers au monde là-dedans. Je ne veux être nulle part ailleurs!»