L'avenir des quotidiens nationaux se joue sur une combinaison entre papier et web, à condition de trouver une articulation subtile entre gratuit et payant sur le net, estiment les patrons de presse.

Réunis vendredi pour un débat, les dirigeants de sept quotidiens nationaux ont évoqué les «contrats de lecture» liant journaux, lecteurs et annonceurs.

Tous s'accordent à dire que la presse payante présente des avantages décisifs pour les lecteurs et estiment que la conjugaison «print et web» doit s'accompagner d'une complémentarité entre informations gratuites et payantes sur le net.

Pour Jean Hornain, patron du Parisien, il s'agit «d'être sur tous les supports et tous les rythmes, en continu sur le web, au quotidien sur le papier et chaque semaine en approfondissant des sujets dans le magazine».

L'idée partagée par plusieurs éditeurs est de proposer des «alertes» gratuitement sur les smartphones, puis de l'information succincte, gratuite aussi, sur le net avant de passer à une information plus détaillée, fouillée et complète, mais cette fois payante sur le net ou dans les versions imprimées.

Nicolas Demorand, directeur de Libération, estime ainsi que «l'analyse de niveau un doit également être gratuite comme une interview de trois questions, mais le développement sur quatre pages doit plutôt être payant, qu'il s'agisse du papier ou du web».

«À La Croix, tout est payant depuis longtemps, car l'information a un prix», a estimé Georges Sannerot, président du directoire du groupe Bayard qui édite le quotidien chrétien. La Croix a récemment adopté une nouvelle formule pour son site et le quotidien papier, choisissant clairement le tout payant ou presque et revendiquant «des choix et des impasses assumés».

Changer tous les trois mois

Les journaux pour la plupart ont adopté des stratégies éditoriales en mettant en ligne l'information chaude, plutôt en bref et gratuitement, et en la développant sur la partie payante des sites.

Mais la presse reste une activité située résolument dans une logique d'offre, qui doit être renouvelée en permanence, selon Louis Dreyfus, président du directoire du Monde.

Il a recensé trois axes de développement: «l'enrichissement permanent de l'offre en investissant davantage dans les rédactions; ensuite avoir une logique plus dynamique. Les grilles des chaînes changent tous les trois mois, les formules des journaux tous les cinq ans, il faut proposer en presse des innovations rédactionnelles ou éditoriales tous les trois mois; enfin il faut une cohérence entre print et web».

Sur les difficultés à faire comprendre le pourquoi du gratuit face au payant, les éditeurs font confiance aux lecteurs.

S'agissant d'internet, «les lecteurs font bien la différence entre gratuit et payant, les breaking news en gratuit, leur approfondissement en payant», considèrent Marc Feuillée, directeur général du Figaro.

Une des préoccupations des journaux est aussi de rajeunir leur lectorat vieillissant en utilisant les vecteurs qui touchent cette jeunesse.

«Il faut attirer les jeunes via Facebook ou Twitter, explique Louis Dreyfus, indiquant que 1,8 million de personnes sont abonnées aux tweets du Monde. L'information est ensuite consommé sur les tablettes "qui sont principalement utilisées par les 25-44 ans», selon le patron du Monde.

La proportion d'abonnés aux journaux en version digitale ne cesse de progresser. Aux Echos, le nombre d'abonnés «numériques» a progressé de 30%, sans que le nombre des abonnés papier reculent», s'est félicité Francis Morel, pdg du groupe.

Quant au Monde, «15% des lecteurs achètent le journal en version digitale, on va arriver rapidement à 20%, mais il faut quand même avoir des sites gratuits forts», selon Louis Dreyfus qui y voit une des meilleures façons d'attirer de nouveaux lecteurs.