Avec un humain sur sept dans sa base de données, Facebook estime avoir dépassé le stade du simple réseau social. L'entreprise se voit désormais comme une infrastructure pouvant alimenter les services web d'entreprises comptant des millions d'abonnés, tels Netflix et Skype. C'est pourquoi Mark Zuckerberg, son fondateur, préfère parler de services aux entreprises plutôt que de la conquête de son prochain milliard d'abonnés.

Son pari: la transformation sociale qu'a subie l'internet en sept ans n'est pas terminée. Maintenant que le jeu vidéo, la musique et les médias sont solidement branchés, voire dépendants de plateformes sociales comme Facebook et Twitter, la prochaine étape pour ces services est de percer les secteurs du commerce, de la santé, de la finance et même du gouvernement, croit-il.

«Le volume de données partagées sur Facebook évolue au rythme de la loi de Moore: elle double pratiquement tous les deux ans. Nous pouvons donc prévoir quel type de contenu sera populaire dans un, deux, quatre ans, et imaginer quels produits auront du succès quand toute cette information sera disponible», a résumé la semaine dernière le PDG de Facebook, dans une entrevue accordée à BusinessWeek.

Ce sera certainement à son avantage si le réseau social prévoit se lancer dans le commerce et le paiement électroniques, comme le pense Stéphane Ricoul, président du Salon eCom Montréal, également directeur chez Sid Lee. Depuis deux semaines, Facebook déploie aux États-Unis un catalogue de cadeaux que ses utilisateurs peuvent acheter directement sur son site.

«Pour la première fois, Facebook effectue du véritable commerce électronique. Le potentiel est énorme: n'importe quel détaillant va vouloir s'inscrire au catalogue de Facebook pour accéder sur-le-champ à un marché instantané de 1 milliard d'internautes, dit-il. Ça va faire plaisir aux actionnaires: Facebook génère soudainement de nouveaux revenus et a le potentiel de défier de très gros acteurs, comme Amazon ou eBay.»

Remonter la pente boursière

Chose sûre, Zuckerberg n'est pas du style à s'endormir sur ses lauriers. Après avoir appris que Facebook, qu'il a fondé en 2004, passait la barre du milliard d'abonnés, il a célébré avec ses employés en procédant à une séance de développement intensive. L'objectif: créer des nouveaux services exploitant l'énorme quantité de données partagée chaque jour sur le web et sur les mobiles.

«Pour les 5 à 10 prochaines années, la grande question n'est pas de savoir si Facebook atteindra les 2 ou 3 milliards d'abonnés. C'est plutôt de savoir quels services nous pourrons concevoir pour aider toutes les grandes entreprises à déterminer qui se trouve dans le réseau d'amis de leurs clients», estime-t-il.

En une phrase, le fondateur du plus important réseau social de la planète a non seulement résumé ses prochaines cibles, il illustre également la principale faille de son modèle d'affaires: le peu de place accordée à la vie privée de ses utilisateurs dans le développement de ses affaires. Une place qui, épisodiquement, provoque sa part de controverses, comme celle entourant l'intégration de messages à caractère personnel sur le profil public de ses utilisateurs, il y a deux semaines.

«Le respect de la vie privée est un fil très mince sur lequel Mark Zuckerberg doit danser, car Facebook, malgré sa taille et sa présence en Bourse, continue d'agir en startup: elle rend publiques des nouveautés souvent incomplètes et les améliore par la suite», explique Sébastien Provencher, entrepreneur montréalais spécialisé dans l'analyse des médias sociaux.

Selon lui, le jeune entrepreneur envoie un message à ceux qui, à Wall Street, doutent que Facebook soit, financièrement parlant, le prochain Google. «Ce qu'il dit, indirectement, c'est que cette stratégie finira bien par générer les profits tant espérés», conclut-il.

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Facebook en chiffres

> 140,3 milliards

Facebook compte 140,3 milliards « d'amitiés » sur son réseau. Le bouton « J'aime» a été enfoncé plus de 1130 milliards de fois.

> 219 milliards

Au total, 219 milliards de photos ont été publiées sur le site, 62,6 millions de titres musicaux écoutés 22 milliards de fois ; et 17 milliards de localisations ont été signalées.

> 157 millions

Facebook avait annoncé en juillet, pour ses premiers résultats publiés depuis son entrée en Bourse, une perte nette trimestrielle de 157 millions de dollars pour un chiffre d'affaires de 1,18 milliard.

> 3976

Facebook comptait 3976 employés fin juin, et a indiqué vouloir en embaucher «des milliers ».