Le portable en main, ils photographient leur assiette et postent la photo avec un commentaire sur internet: les «food reporters» forment une communauté de critiques culinaires amateurs, pas toujours au goût des éditeurs gastronomiques ni des restaurateurs.

«Food reporter» est un réseau social culinaire, accessible via une application pour télépone intelligent et un site internet.

«Je choisis systématiquement mon restaurant sur Food reporters. C'est devenu un réflexe», raconte Linh-Lan, qui poste une quarantaine de photos par mois sur ce réseau gourmand.

Depuis son lancement en mars 2011, plus de 100 000 internautes ont immortalisé leur repas sur la toile.

«On a commencé par lancer une page Facebook baptisée "J'aime prendre en photo ce que je mange". En moins de deux semaines, la page a été rejointe par plus d'un millier de personnes», se réjouit Cyril Benhamou, l'un des quatre fondateurs.

Les utilisateurs se délectent de leurs plats faits maison ou dégustés au restaurant, décernant des «miams», l'équivalent des «j'aime» de Facebook. De plus, un système de géolocalisation permet de découvrir les bons gâteaux au chocolat ou les meilleurs sushis près de chez soi.

«Plus de 1000 photos sont postées par jour. Et aux heures de repas, il y en a une toutes les 2-3 secondes», ajoute Cyril Benhamou.

«Sur le mode de la cuisine passion, les foodphotographes rendent la cuisine esthétique et mettent en avant leurs talents culinaires ou leurs compétences de "découvreurs"», explique la sociologue Frédérique Giraud.

Face à une «offre culinaire des plus abondantes» et aux «incertitudes qui règnent en matière d'alimentation», les consommateurs n'ont jamais eu autant besoin d'être guidés dans leur choix.

«Ce rôle, autrefois dévolu à nos amis, parents, mais surtout aux guides culinaires comme le Michelin, le Guide Pudlo ou encore le Guide du Routard, est aujourd'hui déporté sur le net», analyse la sociologue.

Face à cette nouvelle tendance, les éditeurs de guides gastronomiques sont tentés de réagir: «On est déstabilisés, mais c'est la photographie de la société d'aujourd'hui et sa façon de manger», estime la directrice de la rédaction Gault et Millau, Patricia Alexandre.

Avec le boom d'internet, le guide Michelin a lancé une application mobile, tout comme Gault et Millau qui a ajouté des flashcodes à ses éditions papiers.

Le marque lancera également à la rentrée un site plus interactif où les internautes pourront poster leurs commentaires sur les établissements visités.

«Cela nous amène à fonctionner autrement, à nous adapter. On doit accepter la cohabitation des experts et des non-experts car ces derniers revendiquent ce droit», ajoute Patricia Alexandre, déplorant au passage que «le prix bas l'emporte souvent sur la qualité».

Quant aux chefs, ils apprécient diversement cette nouvelle clientèle.

Philippe Etchebest, chef étoilé à Saint-Emilion, qui officie aussi sur M6, «n'est pas un fou d'internet».

«Récemment, un client a photographié mes plats. C'est rigolo mais ensuite il a insisté lourdement pour s'inscruster dans mes cuisines et là, ça m'a gonflé», raconte-t-il.

«De plus, les photos sont souvent de mauvaise qualité, juge-t-il. Les remarques, je les accepte en direct mais pas sur les blogs !»

Olivier Mille, chef du restaurant Fleur de Sel à la Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) «s'amuse» que ses plats soient vus à l'autre bout du monde mais «déplore» les critiques incendiaires.

«Quand on cuisine, on met beaucoup d'amour pour satisfaire les clients. Alors, si on s'amuse à massacrer mon travail sur internet, ça me dérange!» lance-t-il.