Souvent perçu comme le lieu d'expression par excellence sur l'internet, acteur incontestable des révolutions du printemps arabe, le réseau Twitter a choqué plusieurs de ses utilisateurs en annonçant qu'il pourrait désormais censurer des messages dans les pays «où la législation l'exige».

Twitter avait déjà la possibilité de bloquer des messages, mais devait le faire pour tous les utilisateurs, sans discrimination. Désormais, le réseau pourra agir de manière plus ciblée.

«Tandis que nous poursuivons notre croissance à l'international, nous allons pénétrer dans des pays qui ont des opinions différentes quant à ce que sont les contours de la liberté d'expression», a expliqué Twitter sur son blogue.

Le service de microblogue, qui compte plus de 300 millions d'utilisateurs, a expliqué qu'il pourrait par exemple bloquer des messages pro-Nazi dans des pays comme l'Allemagne et la France, où ils ne sont pas tolérés.

L'entreprise assure que le processus sera transparent et que les utilisateurs seront avisés que leur message a été bloqué. Twitter s'engage également à recenser les suppressions de message sur un site indépendant.

Twitter n'est pas la première entreprise en croissance à agir de la sorte. Google et Yahoo peuvent eux aussi supprimer du contenu considéré illégal dans certains pays.

En agissant ainsi, Twitter veut se mettre à l'abri de certaines poursuites, perquisitions policières et pressions des gouvernements.

«Les entreprises qui veulent aller chercher des revenus dans de nouveaux pays vont souvent être très réticentes à prendre des risques pour se retrouver en contravention avec des lois», dit Pierre Trudel, spécialiste du droit de l'internet à l'Université de Montréal.

Il estime que cette décision de Twitter fait mentir la «croyance populaire» selon laquelle les États ne peuvent réguler l'internet.

«Ça montre que l'internet n'est pas un réseau aussi global que l'on peut le penser dans certains milieux. L'internet peut faire l'objet d'un certain zonage territorial, ce qui peut décevoir et choquer des gens qui souhaiteraient que le réseau soit libre de bout en bout. Mais ce n'est déjà plus comme ça », dit Pierre Trudel.

Twitter devra avoir les reins solides s'il veut maintenir le cap. Des membres du réseau ont lancé l'opération «Twitter blackout», invitant à ne pas gazouiller ce samedi en guise de protestation.

Plusieurs utilisateurs ont également été prompts à noter qu'un milliardaire saoudien a investi 300 millions de dollars dans l'entreprise en décembre dernier, se demandant si cette nouvelle politique était liée au contrôle serré que Ryad exerce sur l'internet. Mais Al-Walid ben Talal ne détient que 3% de parts dans l'entreprise. Twitter a nié tout lien entre cet investissement et sa décision.

D'autres estiment que Twitter prépare son entrée en Chine, où le réseau est banni. Sur son blogue, Twitter semble écarter cette possibilité en écrivant que certains pays «diffèrent tellement de nos idées que nous ne serons pas capables d'exister là-bas».