Jerry Yang, qui a quitté mardi toutes ses fonctions au sein du portail internet Yahoo! dont il est l'un des fondateurs, était de plus en plus critiqué depuis plusieurs années pour être passé à côté de l'évolution du secteur.

En 1995 M. Yang, avait fondé Yahoo! avec son ami David Filo, et l'année suivante, à 31 ans à peine, il était devenu l'un des premiers milliardaires de la «net-économie» à la suite de l'entrée en Bourse du groupe.

Yahoo! était alors l'un des principaux «portails internet» qui se voulaient la destination incontournable des internautes avec une multitude de pages diversifiées, et un accès d'autres sites. Depuis lors, le groupe a peiné à se réinventer.

Aujourd'hui M. Yang possède encore 3,6% du capital du groupe, ce qui représente près de 800 millions de dollars, mais il semble avoir abandonné mardi toute influence sur le groupe dont il avait été le patron, très contesté, entre 2007 et 2009.

Né à Taïwan le 6 novembre 1968, M. Yang avait émigré aux États-Unis avec sa famille alors qu'il était âgé d'une dizaine d'années, et avait grandi à San José, au coeur de la Silicon Valley californienne.

Pendant ses études d'ingéniérie électrique à l'université voisine de Stanford, son camarade de classe David Filo et lui avaient créé durant leur temps libre une sorte de répertoire des sites internet, «Le Guide de Jerry du World Wide Web».

En 2000, leur société avait été l'une des rares entreprises de la «net-économie» à survivre à l'éclatement de la bulle internet. Aujourd'hui encore, le groupe revendique 700 millions d'utilisateurs et il est bénéficiaire.

Mais son chiffre d'affaires stagne et il s'est laissé irrémédiablement distancer par Google, devenu le roi de la recherche sur internet grâce notamment à ses pages élégantes dépourvues de tout encart illustré.

Selon le magazine Forbes, M. Yang était encore en septembre le 938e homme le plus riche du monde, avec une fortune estimée à 1,1 milliard de dollars --la moitié de ce qu'elle était il y a trois ans, ce qui est logique, vu l'effondrement de l'action du groupe.

Détenant le titre non orthodoxe de «Chef Yahoo!», et siégeant au conseil d'administration sans interruption depuis 1995, il était accusé par certains actionnaires de donner la priorité à ses sentiments pour l'entreprise qu'il avait fondée, plutôt qu'aux intérêts des investisseurs.

Beaucoup ne lui ont pas pardonné d'avoir refusé en 2008 une offre d'achat de Microsoft à 33 dollars l'action. Le titre vaut à peine plus de la moitié aujourd'hui.

Sur le fond, M. Yang est aussi critiqué pour ne pas avoir perçu l'importance que les internautes accordent, au-delà des sites eux-mêmes, aux moteurs de recherche -au point que la technologie de cette activité est aujourd'hui fournie à Yahoo! par Microsoft-, puis d'avoir manqué le tournant de l'internet social, d'où une hémorragie de parts de marché dans la publicité au profit de Google, puis de Facebook.

Enfin, ces derniers temps, certains investisseurs l'accusaient de nuire au processus de remise en cause de la stratégie du groupe, voire de préparer avec d'autres une prise de contrôle.

M. Yang, que les photos montrent toujours le sourire au lèvre et le nez chaussé de fines lunettes, était notamment chargé au moins officieusement de piloter les relations avec le partenaire chinois Alibaba et son patron Jack Ma.

Ces relations sont au plus bas depuis que l'an dernier Yahoo! a accusé M. Ma d'avoir à son insu transféré la propriété d'Alipay, filiale de paiement d'Alibaba, à une société qu'il contrôle.

M. Ma est aujourd'hui candidat à la reprise partielle ou totale de Yahoo!.