«Tournez votre langue sept fois avant de tweeter.» C'est certainement la grande leçon qu'a retenue le pigiste Jorge Contreras qui, en réaction à une poignée de gazouillis injurieux à l'endroit du Bye Bye, a vu son employeur, l'agence QMI, se dissocier publiquement de ses propos*. Bienvenue à l'ère des «tweetfights», des combats de clavier parfois périlleux qui attirent des masses de suiveurs..

«Ce qui est intéressant avec Twitter, c'est la règle des 140 caractères qui s'apparente à l'alexandrin. Le but est d'arriver de manière succincte à cerner une idée ou faire passer un point de vue dans une argumentation. C'est un bel exercice de répartie», fait valoir Simon Jodoin, directeur des nouveaux médias chez Voir et avide utilisateur de Twitter.

La sexologue Jocelyne Robert, utilisatrice plutôt volubile sur ce réseau, avoue prendre un certain plaisir à s'installer dans les estrades virtuelles et suivre quelques uppercuts et crochets bien corsés en un clin d'oeil.

«Souvent les tweetfights sont des confrontations d'idées. Certains envoient paître un autre, ou font preuve d'impolitesse. Je les vois passer et il m'arrive de jouer la voyeuse, surtout s'il s'agit d'un bon échange, d'une bonne engueulade où sont émis des arguments intelligents», reconnaît cette adepte de Twitter, qui apprécie le côté incisif et droit au but de cette forme de communication.

«C'est comme jouer au Scrabble: on plonge dans des échanges dynamiques et enrichissants, qui génèrent parfois de l'adversité. Comme travailleuse autonome, je trouve très dynamique cet aspect de partage et de confrontation saine d'idées.»

Va, quand les combats de mots demeurent dans les limites du civilisé. Mais quand les échanges s'engagent dans les zones troubles de l'insulte et de l'injure, les écrans peuvent être aspergés de pleurs de rage ou d'humiliation...

«Souvent, les gens pensent qu'échanger sur Twitter, c'est comme avoir une conversation téléphonique. Mais ce n'est pas le cas: chaque Tweet est public, comme un mini article de journal», prévient l'avocat Christian Leblanc, qui met en garde les utilisateurs aux dents longues qui se croient anonymes derrière leur clavier d'ordi.

Les «tweets» restent...

«À partir du moment où une conversation est «publique», tout ce qu'on dit devient susceptible de causer dommages et poursuites», avertit Christian Leblanc.

Depuis plusieurs mois déjà, Simon Jodoin nourrit un combat de clavier à intensité variable avec la commentatrice Michelle Blanc. Le bras de fer twitteresque a commencé quand elle a poursuivi en diffamation le directeur des nouveaux médias de Voir, pour un montage photo où le visage de Blanc a été collé sur une image d'Abraham sacrifiant Isaac.

«Elle a interprété cela comme si on l'avait représentée comme une femme à barbe. Elle nous a poursuivis, mais nous avons gagné cette cause», raconte Simon Jodoin, qui estime que les tweetfights sont le lot de ceux qui utilisent ce réseau pour faire mousser leur image.

«Plusieurs personnes utilisent Twitter pour promouvoir leur «marque» ou pour surveiller ce qui se dit sur eux. Dès qu'ils sont l'objet d'une blague, ça les met en colère», évalue Jodoin, qui rappelle que l'ironie ne passe pas toujours bien sur les réseaux sociaux. «Si je me moque d'une chronique de Patrick Lagacé, il ne va pas sauter au plafond sur Twitter. Certains ont la carapace plus épaisse.»

Interrogé sur le sujet, le blogueur et chroniqueur de La Presse avoue apprécier une bonne bagarre de clavier bien tournée. «Ce qui est bien avec Twitter, c'est que tout le monde part sur un pied d'égalité. Ce n'est pas ta personne qui est en cause, mais bien ta rapidité et ta capacité à émettre un commentaire en peu de mots.»

Vraiment? Simon Jodoin avance quelques bémols sur les vertus démocratiques de cette tribune.

«Il y a une hiérarchie. Guy A. Lepage, avec ses 80 000 suiveurs, n'est pas l'égal de Ti-Jo. Quand il dit qu'il enlève ses sous de la Banque Nationale, ça a de l'effet.»

Survivre dans l'écosystème Twitter

«Dans l'écosystème Twitter, certaines vedettes se démarquent et influencent la discussion citoyenne», analyse Bruno Guglielminetti, directeur de communication numérique chez National.

Sur le ring, les disputes se calment aussi vite qu'elles se sont enflammées. Et souvent, ceux qui s'emportent le font un peu pour divertir leur cour... «Comme pour la plupart des plateformes de communication, plus on fait de bruit, plus on attire l'attention.»

Des conseils pour ne pas être mis K.O.? Simon Jodoin en a quelques-uns.

«Ne pas s'essouffler trop vite. Sur Twitter, on a l'impression qu'il faut réagit vite, mais c'est faux. Comme dans toute argumentation, il est plus sage de réfléchir. C'est un bel exercice de répartie, mais la limite est vite atteinte.»

Et un conseil en passant: ne laissez jamais votre compte ouvert sans surveillance. Parlez-en à Jorge Contreras...

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* Jorge Contreras soutient ne pas être l'auteur des tweets qui critiquaient Véronique Cloutier, le Bye Bye 2011 et Radio-Canada. Son compte, dit-il, a été piraté.