Longtemps indépendantes, voire même isolées, les rédactions web des grands quotidiens comme Le Monde ou L'Équipe, portées par l'incroyable explosion de l'audience des sites d'infos, sont désormais devenues une priorité au point de fusionner avec leurs aînées des éditions papier.

«On est de plus en plus dans le web d'abord»: Erik Izraelewicz, patron de la rédaction du Monde, est catégorique. La fusion «imprimé-web» constitue «l'axe prioritaire» de son travail depuis son arrivée en début d'année, dit-il à l'AFP.

Pour le vénérable journal du soir, la révolution est de taille mais «c'est une évidence absolue, comme partout ailleurs», relève un reporter présent depuis plus de 20 ans. Un net changement de tendance, la rédaction web ayant longtemps été abritée dans des locaux distincts de ceux du quotidien.

Au Figaro, qui n'a pas souhaité s'exprimer sur ce dossier à ce stade, une démarche similaire est en cours. Nombre d'autres titres se sont déjà engagés, à des degrés divers, sur cette voie.

Le papier «restera encore longtemps notre principale source de revenus», mais «le support qui explose et qui va continuer à grandir, c'est le web», insiste Erik Izraelewicz.

Concrètement, la rédaction web (une quarantaine de journalistes contre 280 au papier) ne va cependant pas déménager du jour au lendemain. Le journal entend procéder par touches avec, pour démarrer à la rentrée, la réunion sur un même plateau de tous les journalistes appelés à couvrir la présidentielle 2012.

Pour le directeur de la rédaction, l'objectif est d'accentuer le travail en commun et de favoriser la contribution des journalistes du papier au web, et réciproquement.

À L'Equipe, le site est leader sur l'information sportive. Mais, développé indépendamment du journal, il demeure encore aujourd'hui installé dans un bâtiment différent. «Jusqu'à il y a quelques mois», relève également un journaliste, «il n'était même pas représenté à la conférence de rédaction!».

À la rentrée, la vingtaine de journalistes du site va intégrer la rédaction papier. «Il faut qu'on ait une meilleure cohérence entre le site et le journal», souligne à l'AFP François Morinière, le directeur général.

«C'est dicté par l'éditorial. Ce n'est pas économique, il n'y a aucune réduction d'effectifs», précise-t-il.

Le quotidien sportif n'entend cependant pas changer radicalement de philosophie. Des passerelles existent, mais les journalistes web conserveront leurs fonctions. «On doit défendre la diffusion du journal, qui est la première source de recettes», explique François Morinière. «C'est le journal qui porte la marque, il est hors de question de changer l'ordre des priorités».

Pour autant, du côté des journalistes, la fusion de rédactions longtemps distinctes ne va pas forcément de soi. Avec, en particulier, le risque d'un choc des générations entre les journalistes web, jeunes et polyvalents, et ceux du papier, souvent plus âgés et plus spécialisés.

«Il y a eu des incompréhensions, des tentatives (de rapprochement) qui ont échoué et des frustrations. Mais on est en train de dépasser tout ça», assure cependant François Morinière.

«Il y a la volonté, des deux côtés, d'aller vers cette fusion», assure Erik Izraelewicz.

«Il y a de l'appréhension, sur les conditions de travail notamment. Mais tout le monde est acquis à cette idée. Et le débat, c'est plutôt comment on s'organise».